LE DECEMBRE ITALIEN
Nous voyagions cet hiver là
Loin de la France et du verglas
Notre amour était plus joli
Sous le ciel bleu de l’Italie
Je suivais ses cheveux noués
Les chemins étaient à nous, et
De la Toscane à Pompéi
Nous traversions tout le pays
Un’ fois n’est pas coutume, alors
Je vous chant’ le plus beau d’abord :
Ce voyage d’hiver au soleil…
Ce périple au pays de Dante
Aujourd’hui encore il me hante
Car pour moi, rien n’égal’, non rien,
Ce Décembre italien
Notre amour avait fait banqu’route
Chacun de nous suivait sa route
Elle avait rencontré ce mec
Et vivait à Bruxell’ avec
Moi je louais une chambre à bas prix
Perchée sous les toits de Paris
Là, j’écrivais des chansons rock
Pour me faire un nom dans l’époque
Mais comme en bas coulait la Seine
Je venais y noyer ma peine
Et la fleur noir’ du souvenir…
Des gondol’ glissaient sur Paname
Venise avait parqué mon âme
J’étais prisonnier bel et bien
Du Décembre italien
J’avais un boulot sur les quais
On y trimballait des paquets
Mais je rêvais d’autres voyages
Et un jour j’ai plié bagage
J’ai bourlingué ici et là
La vie nous porte… Et me voilà
Un beau soir d’automne à Genève
Sur le trottoir, soudain, je rêve :
Ell’ se tenait là, devant moi
Peut-être à la fill’ d’autrefois
Cell’ que j’embrassais dans Vérone
Quand nos regards se sont croisés
Elle a souri et j’ai pensé
Qu’on était unis par les liens
Du Décembre italien
Le jour pointait à la fenêtre
J’avais l’impression de renaître
Allongé sur le lit près d’elle
Dans la chambre de cet hôtel
Je l’écoutais piquer un somme
Et je nous revoyais à Rome
Quand nous trinquions à notre vie
Devant la fontaine de Trévi
Les heur’ d’alors avaient ce charme
Qui brill’ dans La Chartreuse de Parme
Charme insouciant des jours qui fuient…
Et stout à coup j’ai sursauté
Lorsque ses lèvr’ ont chuchoté :
« Mon loup, est-c’ que tu te souviens
Du Décembre italien ? »
Notre histoire avait rebondi
Nous habitions dans le Midi
Un coin de terre où des paniers
S’agitaient sous les citronniers
Ell’ m’apprenait des gnocchis l’art
Et je lui jouais de la guitare
La garrigue offrait mill’ beautés
Nous l’arpentions les soirs d’été
Mais le revers d’un si beau songe
C’est que le fil des jours vous ronge
Et ces jours oeuvraient contre nous…
Ils nous avaient volé l’errance
Nos rir’, et les ponts de Florence
Nous perdions dans ce quotidien
Le Décembre italien
J’ai pris des trains et des avions
Rien ne dure, et nous le savions
Je pense à elle encor parfois
Dans mes rêv’ souvent je la vois
Tous les deux nous n’étions pas faits
Pour vivre ensemble, c’est un fait
Mis à part ces glorieux moments
Qui transform’ en dieux les amants
J’espèr’ qu’elle a trouvé sa place
J’essaie moi-mêm’ car le Temps passe
Et le Temps éteint les sourires…
Nos amours et nos joies se meurent
Les beaux jours dorm’ au fond du cœur
Un’ rose orne le marbre ancien
Des Décembr’ italiens
A FLORENCE
A Florence, ô ma belle
Pourquoi somm’ nous rev’nus ?
Null’ romanc’ ne m’appelle
Dans ces av’nues
Ma belle
A Florence, ô ma belle,
Pourquoi somm’ nous rev’nus
L’amour s’est fait la belle
Nous voilà nus
Je nous revois dans les
Jardins de Boboli
Où ton amour au mien donna de l’eau
Ces jours s’en sont allés
L’amour est aboli
Alors que peut nous fair’ Donatello ?
A Florence, ô ma belle
Pourquoi somm’ nous rev’nus ?
Null’ romanc’ ne t’appelle
Dans ces av’nues
Ma belle
A Florence, ô ma belle,
Pourquoi somm’ nous rev’nus
L’amour s’est fait la belle
Nous voilà nus
Le vent souffle si fort
Sur le Ponte Vecchio
Triste tableau que nos prunell’ esquivent
Notre vieux rêve est mort
Nous somm’ là deux idiots
Alors que peut nous fair’ Brunelleschi ?
A Florence, ô ma belle
Pourquoi somm’ nous rev’nus ?
Plus rien ne nous appelle
Dans ces av’nues
Ma belle
A Florence, ô ma belle,
Pourquoi somm’ nous rev’nus
L’amour s’est fait la belle
N’en parlons plus
POMPEI
Le soleil de décembre
Prête aux statues de cendres
Le feu de nos amours mortes
Ta robe se balance
Je la suis en silence
Et les souv’nirs nous escortent
Ici l’architecture
Referme sur nous ses portes
Tu me tournes le dos
Et je ressers mon manteau
J’ai froid comm’ dans un’ abbaye
A Pompéi
Que d’étranges effluves
Sous les flancs du Vésuve
Où ta silhouette se déhanche
Ell’ va sans fair’ d’écart
Sans m’offrir un regard
Sa forme aux pierr’ se mélange
Ici les rues sont calmes
Ont-ell’ connu des dimanches ?
Ici rien n’est vainqueur :
Ni les palais, ni mon cœur
La Mort commande, on obéit
A Pompéi
Nous marchons sans rien dire
Dans ces ruines d’empire
Le soir commence à descendre
On marche et tout fout l’camp
A l’ombre des volcans
L’amour a un goût de cendres
Oui là tout n’est que cendres
Et mon cœur est en décembre
Dans ce désert immense
Le fantôme de l’amour danse
S’rait-il chez lui dans ce pays ?
A Pompéi…
Le soleil de décembre
Prête aux statues de cendres
Le feu de nos amours mortes
MALAISE A VENISE
On glissait peinards sur un va-
-Poretto
Et j’ai dit : –– Si tu veux, on va
Au restau ?
Mais avant qu’on ait goûté l’ pla-
-Teau de nouilles
J’ sais plus pourquoi mais tout est pa-
-Rti en couilles
T’as raison :
Engueulons-nous puisque t’y tiens
Sous les toil’ dorées du Titien
Là, dans la vill’ des amoureux
Tu veux qu’on règle un truc ou deux ?
Refrain :
Qu’on discute ? Et qu’est-c’ tu veux qu’ j’ dise ?
J’ai les glandes !
Y a dispute et malaise à Venise…
Chouett’ décembre !
On s’ crie d’ssus, là sur les valises
Gross’ tempête !
Y a dispute et malaise à Venise
C’est trop bête…
On rêvait d’amour, bah dis donc
Quel souv’nir !
S’engueuler à deux pas du Pont
Des Soupirs…
L’ moins qu’on puiss’ dir’ c’est qu’on s’est pas
Fait d’éloges :
Nos cris résonn’ encore au Pa-
-Lais des Doges !
T’as raison :
Vidons nos seaux de merde ici
Chez Lorenzo de Medicis
Là, dans la vill’ des amoureux
Tu veux qu’on règle un truc ou deux ?
Refrain
Ciel gris sur la Sérénissime…
… Et puis le soleil nous revient
Tu sèch’ tes larm’, on se console
Les masqu’ autour se rallum’, tiens :
Si on baisait dans un’ gondole ?
Jolie lun’ de fiel… En tout cas,
Ça nous va !
On a quitté Venis’ tel Ca-
-Sanova…
Mais notre amour chante un air de
Vivaldi
Jamais un voyag’ n’est merdeux :
Viv’ la vie !
Refrain
PAESE MIO
Chanson extraite du film Rocco et ses frères de Luchino Visconti
(Gian Domenico Giani / Nino Rota)
Traduit par le Napolitain Anonyme et Jérémie Bossone
Vai vai
Quann e grand o munne
La strada è grande assaie
Nun pigl suonn
Bellu paese mio
Addù so nato
O core mio cu te
L’aggiu lasciato
Allez, allez
Le monde est si vaste
La route si longue
Je n’arrive pas à dormir
Ô mon beau pays
Toi qui m’as vu naître
Mon cœur, je l’ai laissé
Avec toi
SOLEIL ROMAIN
Hier, si j’en dresse un bilan
Notre voyage était trop noir
A peine arrivés à Milan
On a couché sur le trottoir
A Parme on s’est fait rabrouer
Par les flics pour vagabondage
Ça m’a fait mal de voir couler
Ces larm’ sur ton visage…
Mais nous entrons dans Rome
Triomphants
Autre femme, autre homme
Deux enfants
Qui s’embrass’ près du Colysée
Plus foll’ment qu’au lycée
Nous marchons sous un ciel en or
Je ne sais pas encore
Qu’au lendemain de nos rayons
Tu partiras avec un autre
Que le bonheur dont nous rêvions
Sera le tien, mais pas le nôtre
Que chaque idylle un jour s’endort
Que la vie peut nous oppresser
Et que malgré ses cart’ en or
Notre amour est un joueur pressé…
Je sais pas ça pour l’instant
Car tout est là et maintenant !
Refrain
Tout est là ! C’est jour de paye !
Tout n’est qu’un radieux présent !
Tout est là, sous le soleil
Déployé sur les amants !
Entre hier et demain
Sous le soleil de Rome
Entre hier et demain
Sous le soleil romain
Voir Venise, oui bien sûr, ça tente
Mais en hiver c’était risqué
La neige au matin sur la tente
C’était beau mais ‘était frisquet
Le sac au dos, le piouce en l’air
On a bourlingué jours et nuits
C’était pas drôl’ ces plans galères
Nos querell’ sous la pluie…
Mais nous entrons dans Rome
Apaisés
Autre femme, autre homme
Nos baisers
Ont un parfum de sweet sixteen
Dans la Chapelle Sixtine
Nous marchons sous un ciel en or
Je ne sais pas encore
Que toi partie, je s’rai chanteur
Que c’est un’ vie sans vraie grandeur
Qu’on met dix ans pour te comprendre
Et dix second’ pour te descendre
Qu’on récompense en général
Qui ne dit rien et le dit mal
Que les médias dans ces haut’ places
Ont tous fait un’ croix sur l’audace…
Je sais pas ça pour l’instant
Car tout est là et maintenant !
Refrain
Hier, un siècle avant qu’ tu partes
Hier, à l’heure où les ang’ rient
Nous habitions dans cet appart
Au-dessus de la boulang’rie
J’écrivais là des romans-fleuves
Tes cheveux glissaient sur mes phrases
Et nous corrigions les épreuves
En croquant des beignets framboise
Nous marchons sans savoir encore
Que nous reviendrons dans dix ans
Ni qu’hélas nous serons alors
Deux voyageurs agonisants
Toi traînant ta triste langueur
Et moi les bleus de ma bohème
Nous marcherons le spleen au coeur
Sous un ciel italien trop blême…
Mais nous entrons dans Rome
En cette heure
Autre femme, autre homme
Empereurs
Nos deux coeurs souv’rains étincellent
Dans la Ville Eternelle
Nous marchons sous un ciel en or
Je ne sais pas encore
Que dans vingt ans, mon bel amour
Quand nos jeuness’ auront passé
Qu’il ne restera de ces jours
Qu’un vieux tableau presque effacé
Que dans vingt ans, sur ces décombres
Où j’aurai vu mon nom fleurir
Comme une étoil’ qui sort de l’ombre
Parce que j’avais des chos’ à dire
Que dans vingt ans, pour toi ma belle
Quand tu m’auras brisé le coeur
Que t’auras gravé au scalpel
Sur mes victoir’ : « Jamais vainqueur »
Oui dans vingt ans, pour toi que j’aime
Quand tu m’auras réduit à rien
J’écrirai mon plus grand poème :
L’album du Décembre Italien…
Je sais pas ça pour l’instant
Car tout est là, et maintenant !
Refrain
Entre hier et demain
Notre soleil, c’est Rome
Entre hier et demain
Notre soleil romain
INTERCHANGEABLES
Si tu lui prends la main comme tu pris la mienne
Si comme on les joignait, tu joins tes lèvr’ aux siennes
Si l’on vous dit inséparables
Comme on l’a dit de nous quand brillait notre âg’ d’or
S’il devient tout pour toi, comm’ je l’étais alors…
C’est qu’on est tous interchangeables
Si tu march’ avec lui dans Venise en décembre
Si l’Italie vous voit comme ell’ nous vit ensemble
S’il te serr’ quand le froid t’accable
S’il t’embrass’ dans le cou en disant « mi amor »
Si renaiss’nt entre vous nos vieux rir’ mis à mort
C’est qu’on est tous interchangeables
Si l’amour se limite à répéter nos gestes
Si toujours il imite en artisan modeste
Si chaque idylle est formidable
Si ce gars-là te plaît comme moi je t’ai plu
S’il devient à son tour ce que je ne suis plus
C’est qu’on est tous interchangeables
Mais quand vos jours heureux auront un peu passé
Quand de cet amoureux ton cœur sera lassé
Quand tu le trouv’ras méprisable
Peut-être alors qu’en toi chant’ront nos jours anciens
Et qu’en lâchant ses bras tu tomb’ras dans les miens
Puisqu’on est tous… Oui, qu’on est tous interchangeables
ELLE M’A PRÊTÉ SA MAIN MAIS PAS SON CŒUR
Bien qu’ell’ se montrât polie
Avec moi dans Napoli
Au milieu des orang’ et des scooters
Bien qu’ensemble on ait vu Naples
Toujours ell’ fut raisonnable
Ell’ m’a prêté sa main mais pas son cœur
Sur la baie où les vagu’ fondent
La plus jolie baie du monde
Parfois j’effleurais sa joue par erreur
Ell’ s’écartait sans un bruit
Nous croquions dans nos biscuits
Ell’ me prêtait sa main mais pas son cœur
Campagne napolitaine
Hiver sans manteau de laine
L’amour alors n’était-il pas vainqueur ?
Le dir’ serait dégueulasse
Car je dois avouer qu’ hélas
Ell’ me prêtait sa main mais pas son cœur
A Salerno, sous la pluie
Je tenais le parapluie
Le vent fripon l’ouvrait comme une fleur
Nous marchions le long du port
Je la vois sourire encore
Ell’ me prêtait sa main mais pas son cœur
J’ai fait le pitre, elle a ri
Comme autrefois à Paris
Quand flamboyaient nos années de bonheur
Mais ce temps paraît lointain
L’amour brûle et il s’éteint
Ell’ m’a prêté sa main mais pas son cœur
DIS À TA MÈRE
Petit’ fill’, si tu veux bien, quand tu verras ta mère
Dis lui que je me souviens de nos années d’amour
Dis lui que s’il va et vient comme un’ bouteille en mer
Mon cœur entre mal et bien s’est noyé dans ces jours…
Que De Vinci me pardonn’, mais s’il n’existe au monde
Qu’un seul sourir’ pour Bosson’, c’est pas c’ui d’ la Joconde
Et s’il n’est qu’un seul enfer, je le connais, pardi :
C’est ce triste jour d’hiver où mon grand amour est parti
Refrain :
Dis à ta mère
Que je me souviens
De tout le mal et tout le bien
Dis à ta mère
Dis lui surtout combien je…
Dis lui surtout combien je…
Non, ne dis rien
Je revois ces trains d’automne et nos « je t’aime » en gare
Son beau visag’ de madone et son corps de manga
Elle avec sa rob’ chinoise et moi le feu des quêtes
Nous marchions dans les étoil’ et dans l’oeil des tempêtes
Je revois nos désaccords, la vaissell’ qu’on foudroie
On a beau s’aimer très fort, on aim’ chacun pour soi
On a beau s’aimer très fort, l’un des deux part un jour
C’est loin, mais j’entends encor le bruit de ses pas dans la cour
Refrain
Et j’entends sa voix me dire :
« Je suis enceint’… Je le garde ! »
Et le bébé dont ell’ parle
Ce s’ra toi
Et je me revois blêmir
M’écrouler en étouffant
Car le papa de l’enfant
C’est pas moi
Et te voilà…
L’amour, c’est des fleurs, des cris, tu verras par toi-même
Des jours heureux aux jours gris, on gagne, on perd, on aime !
Vivre est un sprint et l’on court, mais nul n’arriv’ debout
Car si nous servons l’amour, l’amour se sert de nous
Et te voilà, je t’embêt’… Petit’ fill’, m’en veux-tu ?
Que peuv’ te fair’ nos tempêt’ et nos années perdues ?
Pardon si pour moi, te voir, c’est voir ta mèr’ bien sûr…
C’est dans les petits miroirs que le Temps met les grand’ blessures
Refrain
LA PRIMA NOTTE DI QUIETE
(« La Première nuit de quiétude », d’après un vers attribué à Goethe, et un film de Valerio Zurlini)
Un millier d’années après nous
Me voilà devant tes photos
Comme un petit moine à genoux
Devant les anges de Giotto
Mon coeur sur tes soleils s’empale
Ma joie sombre en catimini
Mes jours sont des jongleurs sans balle
Gris comm’ l’hiver à Rimini
Mais…
Marcher dans la neige avec toi
Marcher dans la neige avec toi
Avec toi
Je vis seul depuis ce jour-là
Ton départ m’a dit qui j’étais
Je vis mais j’attends toujours la
Prima notte di quiete…
Curieux ce monde où tout s’éteint
C’est déjà si loin l’Italie
Un beau rêve ? Oui, c’en était un
On rêve, et puis l’on vit sa vie
Mais…
Marcher dans la neige avec toi
Marcher dans la neige avec toi
Avec toi
Toi dans Rome avec ma chemise
Toi qui croque un bout de pizza
Toi sur ce pont jaune à Venise
Toi qui contemple une pietà
Pardon pour tous les mots de haine
Que j’ai parfois mis dans mes vers
Tu sais quand on a trop de peine
L’amour lui-même hurle à l’envers
Ce soir je n’ai pas de rancoeur
Aimer, c’est juste haïr en vain
J’ai tes photos, là, sur mon coeur
Ce soir je vais peut-être enfin…
Marcher dans la neige avec toi
Marcher dans la neige avec toi
Avec toi
J’attends ma Notte
Ma Prima notte…
J’attends ma Notte
Notte di quiete…
Et tu me manques
Et tu me manques tant !
Marcher dans la neige avec toi
Marcher dans la neige avec toi
Avec toi