LA PAGE BLANCHE
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Un homme, un’ femme, un ange
Un voleur ou un prêtre
Et donnez lui la main
Qu’il ne reste pas seul
Pour tracer son chemin
Des langes au linceul
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
En habit du dimanche
En clown, en roi peut-être…
Et donnez lui la main
Pour n’en pas faire un fou
Songez que cet humain
Ce pourrait être vous…
Et peignez son enfance :
De grands rir’ qui éclatent
Des cerfs-volants qui dansent
Des trésors de pirates
Et donnez lui du pain
Celui des gens modestes
Qu’il apprenne à dompter sa faim
Quand la vie devient peste
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Que sa beauté soit franche
Et pas que du paraître
Non, donnez lui du cœur
Et l’envie de tenter
Que vaincu ou vainqueur
Il ne cess’ de chanter
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Un’ danseuse, un Comanche
Un amoureux des lettres
Oui, donnez lui des mots
Et puis des chos’ à dire
Des bouquets d’idéaux
Tout un monde à bâtir
Peignez l’adolescence
Avec ses grands frissons
Ses flirts et ses romances
Ses appels d’horizon
Et donnez lui des larmes
Cell’ qu’on verse à vingt ans
Car null’ monnaie n’a plus de charme
Pour payer nos printemps
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Et si sa maison penche
Ouvrez grand ses fenêtres
Oui, donnez lui l’espace
Avec des champs de roses
Qu’il apprenne à trouver sa place
Dans la beauté des choses
Prenez un’ grande page
Pour offrir à cet être
Des amis, des voyages
Du ciel, des feux, des fêtes
Et donnez lui l’amour
Sans frontière et sans trêve
Qu’il en fass’ l’écrin de ses jours
Et l’éclat de ses rêves
Sur cett’ page moins blanche
Dessinez l’âge adulte
Mais sans que son cœur flanche
Au contrair’ : qu’il exulte !
Oui, donnez lui la force
De hisser haut ses voiles
A l’heur’ triste où l’on rentre au port
Qu’il s’accroche aux étoiles
Prenez un’ page blanche
Mais ne soyez pas traître
Ne la laissez pas blanche
Peignez-y tout votre être
Et donnez lui vos heures
Qu’il apprenne à briller
Pour dissoudre dans ses couleurs
Les grains du sablier
Et peignez la vieillesse
Avec ses cheveux blancs
Ce blanc que la pag’ laisse
A l’homme au fil des ans
Et donnez lui la main
Pour entrer dans sa gloire
Quand la page au bout du chemin
Devient notre mémoire
Tuez la page blanche
Pour peindre un grand tableau
Tuez la page blanche
Pour écrire un grand livre
Tuez la page blanche
Pour montrer tout le beau
Tuez la page blanche
Pour dire : on a su vivre
STENDHAL SOUS LE PRÉAU
Lycée du Bois d’Amour : j’ t’en parle, et tu t’emballes !
J’ vis là, élève interne, en sport-étude handball
Avec tous mes frérots
Le jour, en sall’ de classe, on charbonn’ pas tell’ment
Mais le soir au gymnase on s’ donne à l’entraînement
Pour dev’nir des vrais pros !
Hélas, un jour c’est mort : forfait du corps, blessure.
Pour moi, fini le sport. J’en chiale encore, c’est sûr…
Pourtant l’espoir prévaut…
Car privé de ballon, chaque soir est joli
Depuis que sur ce banc, j’ viens m’asseoir et je lis
Stendhal, sous le préau !
Refrain
Que seras-tu, qui l’ sait ?
Au sortir du lycée ?
Oh, dis-moi :
Où va ce qu’il sème ?
En cours, j’avoue qu’ ça craint : mes not’, c’est la disette…
C’est lourd, Tony fout rien et récolte un dix-sept
A tout’ les interros !
Moi j’ mate Aude en rêvant qu’elle est ma prisonnière
Ou j’ m’accorde un moment d’école buissonnière
C’est plus doux qu’un zéro…
La dirlo me sermonne, ell’ parle, et quel discours !
Du genr’ : sécher, c’est mal. Ok, mais dis, ses cours
J’ les suis à peu près, oh !
Y a que les heur’ de maths et de chimie, sans dec
Où je manque à l’appel car j’ai rencard avec
Stendhal sous le préau !
Refrain
Que seras-tu, qui l’sait ?
Au sortir du lycée ?
Oh, dis-moi :
Qui va se briser
Qui va se hisser
Haut ?…
Loin des stylos encre, intellos et cancres :
Qui serons-nous, passée l’heur’ du lycée ?
Qui l’ sait ?
Tout le monde est en cours, au vrai j’ sais pas c’ qu’y foutent
Moi, je vis dans la cours, auprès du baby foot
Où j’ lis. J’ crois pas qu’ c’t’ un mal !
Je cultive en ce lieu mon décrochag’ scolaire
Je m’élève au milieu de personnag’ solaires :
Ces héros de Stendhal !
Sorel et Del Dongo me donnent des frissons
J’apprends d’eux l’art dingo de fleurir en prison
Ils me poussent très haut !
Car maint’nant j’ suis certain, et ça c’est fascinant,
Que je s’rai écrivain ! Déjà j’ m’imagine en
Stendhal… sous le préau !
Refrain
Que seras-tu, qui l’sait ?
Au sortir du lycée ?
Oh, dis-moi :
Qui va se briser
Qui va se hisser
Haut ?…
Y a le BAC, y a la Fac, et en vrac :
Y a les vacanc’ et la vie qu’avance
Et v’là que les ans nous façonnent…
Loin des stylos encre, intellos et cancres :
Qui serons-nous, passée l’heur’ du lycée ?
Moi je l’ sais !
MONT-PERDU
Soudain c’est des coups d’ feu, des cris à deux trois r’prises…
Une averse de ball’ a criblé le par’-brise…
Mes doigts serr’ le volant, mais en gros, ça va bien !
Je regarde à côté : c’est bon, Rosa n’a rien.
Rosa, c’est mon amour, c’est mon feu, c’est mon ciel !
D’ailleurs on veut s’ marier… C’est un vœu démentiel,
Car elle est fill’ d’un rich’ banquier de Salamanque,
Et moi, y a qu’ pour braquer que je passe à la banque !
Enfin, je frime un peu : j’ai braqué qu’un’ seul’ fois,
C’était y a cinq minutes… Et quel succès, ma foi !
Mais Rosa m’avait dit , juste avant ce coup d’ maître :
Nous ne f’rons qu’un braquage. Ell’ me l’a fait promettre.
Pourtant, ça lui plaisait, ce parfum d’aventure !
Ça lui faisait penser à cett’ femme en peinture,
A c’ tableau d’une aïeul’, dans sa chambre accroché,
Dont elle est, paraît-il, le portrait tout craché…
L’aïeule, au seizième siècle, avait nom Rosalinde.
Un galion espagnol l’emporta vers les Indes,
Avec de fiers seigneurs souriants sur leur vaisseau.
Et cett’ band’ de branleurs a sombré sous les eaux.
Moi je suis pas friand d’ tous ces cons qui s’adorent,
Qu’ils soient banquiers brillants, rois ou conquistadors.
Mais si Rosa le dit, j’ veux bien trouver ça beau…
Mêm’ si j’ sais qu’ ma Rosa vaut mieux qu’ tous ces tableaux !
Fuck ! Ces flics sont pas doux… Putain, j’ veux vivre éh oh !
Ça shoote un peu partout… Pir’ qu’un jeu vidéo !
Dans mes viscèr’ je sens comme un froiss’ment d’ pétales…
Rosa crie : Accélère ! Et j’enfonc’ la pédale.
On file, et dans l’ rétro, la ville enfin s’éloigne.
Les flics sont à nos trouss’, leurs sirèn’ en témoignent…
Leurs coups d’ feu nous malmèn’, mais on est bien couverts :
J’aim’ Rosa, Rosa m’aime, ils ne peuv’ rien nous faire !
Refrain
Nous voulons vivre à fond, nous roulons tout le jour !
Blafards, blessés…
Et la nuit toujours…
Plein-phar’, pressés !
J’ dis qu’ nous roulons la nuit, mais c’est qu’un’ métaphore…
Plus tard viendront la nuit et sa lun’, mais d’abord
Y faut fuir, et fissa, les flics et leurs rafales !
Et tous les deux nous v’là sur la route en cavale !
J’ crois pas qu’ fuir en duo soit nul, ni qu’ c’est mieux seul…
On roule et la radio pass’ du Nipsey Hussle.
J’ me dis qu’ j’ai pas beaucoup, mais que j’ suis un homm’ droit !
Et Rosa qu’avait tout, m’aime et m’ suit… Hein, comm’ quoi !
Je pense à ses parents, ces dieux froids des haut’ sphères…
J’ai barboté leur banque, et leur fill’ ! T’ sais qu’ faut l’ faire !
J’ai déclenché j’ parie un p’tit tollé là-haut…
Moi, le brigand muni d’un pistolet à eau !
Mais les flics reparaiss’, nous taraud’ et nous visent.
Rosa dit : Ça m’ rappell’ tout un tas d’ road movies !
On s’ croirait chez Godard ou chez Nicholas Ray…
Mais s’ils croient nous avoir, tous ces nigauds-là rêvent !
Plus d’ flics. Le soir descend, et nos visag’ aux anges,
On traverse à présent un paysage orange,
Tout peuplé d’arbr’ en fleurs. Les yeux noyés d’ivresse,
Et nos mains enlacées sur le boîtier d’ vitesse,
Je dis : Rosa, un jour on r’viendra, j’ te l’ promets !
On r’viendra, mon amour ! On pourra se prom’ner,
Toi, moi et nos gamins dans ce tas d’ fleurs inouï…
Promis, on r’viendra, hein ? Rosa pleure, et dit : oui.
Maintenant c’est la nuit. Paus’ pisse, et l’on r’démarre !
La route glisse et fuit sous l’ faisceau blond des phares…
La nuit, c’est calme et beau. Tout un éveil des sens !
On roule, on rêve, on cause, on r’fait le plein d’essence.
On avale un café, on relanc’ le moteur.
On s’embrass’, les pneus criss’, on r’fait danser l’ compteur !
La nuit nous ouvre un monde : on a tout l’ temps, on entre.
J’en oublie quelques s’cond’ les deux trous dans mon ventre…
Refrain
Et maintenant, c’est l’aube. Y a plus rien d’affolant.
J’ai la main sur mes plaies, Rosa tient le volant.
Je la mate, assis là, sur le sièg’ passager…
Elle est bell’ ma Rosa… Mais j’ l’ai pas ménagée…
Son visag’ tout à l’heure est dev’nu super pâle
Quand elle a découvert mes deux blessur’ par balles…
Ell’ conduit, mais c’ coup dur, ell’ s’en est pas remise :
Ses yeux vont de la route au sang sur ma chemise…
Un méd’cin ? Qu’est-c’ tu m’ chant’ ? Y faut gagner la France !
N’insiste pas Rosa ! Vit’ ! Go ! Magne ! On avance !
L’auto fil’ sous le ciel… Tant qu’ell’ roule, on perdure !
Et l’on entre dans le massif du Mont-Perdu.
On avance, et voici la vallée d’Ordesa.
Putain, quel paradis ! Rosa, regarde ça !
C’est partout des forêts, des canyons et des lacs !
Mat’ l’isard ! Enfoiré, tout ça donne un’ tell’ claque !
Plus haut, c’est un aut’ monde, et c’ monde aussi me branche :
Des prairies d’edelweiss ! Des monts aux cîmes blanches !
Rosa, tu pleur’ ? Allez ! Qu’est-c’ qui s’passe ? Ah, c’est vrai :
J’arriv’ plus à parler… Mais faut pas qu’ ça t’effraie !
C’est trop con tous ces mots coincés là sur mes lèvres…
Mais je souris, tu vois ! Oh non, c’est pas la fièvre,
C’est qu’ te v’là dans ta rob’, cell’ qui m’ plaît bien… Pourquoi ?
C’est trop sympa d’ l’avoir enfilée rien qu’ pour moi !
T’es trop belle, on s’embrasse… Et tu m’ jett’ un clin d’oeil…
Sûr que leur monde en bas, on en a fait le deuil !…
L’amour brille et l’on grimpe : tout ça c’est le mêm’ thème !
En avant vers l’Olymp’ ! Rosa, je t’aim’, je t’aime !
Plus haut, Rosa, plus haut !… Je veux toucher la neige !
Comme un goss’ veut pécho la queue sur un manège !
Viens Rosa vers l’azur… On monte, on décoll’, fiers…
Ça y est : notre voiture est dev’nue montgolfière !
Refrain
Rosa, je te vois plus… C’est qu’on doit foncer vite…
Mais je vois le soleil ! Il touche à son zénith…
Et nous aussi, c’est ça ? J’entends plus le moteur…
On a dû se hisser à la suprême hauteur…
Comme cet aigle autour, que rien au mond’ perturbe,
On règne à notre tour en haut du Mont-Perdu !
Et d’ici je vois tout, comme dans un grand livre…
Tout ce que j’ai vécu… Tout ce que je vais vivre !
C’est un tourbillon de visions… Rosa, c’est plastiqu’ment très beau…
J’ me vois sillonner les nations… Traverser l’Arctique en traîneau…
C’est moi, sous l’auror’ boréale! On entend mes chiens qui japp’, non ?
C’est moi dans New-York… Montréal… Sous les cerisiers du Japon !
C’est moi quand j’aid’ les opprimés, de ma cité à Calcutta,
J’ veux plus voir un seul môm’ trimer, j’ veux qu’on puiss’ leur dir’ : quel cul, t’as !
Pour ça, faut du pèze ? Ok : y a ! Avec c’ qu’on a volé, c’ tas d’ fric,
J’ f’rai pousser des puits au Kenya ! J’arros’rai les gosiers d’Afrique !
Ça fait mill’ chos’ à faire en fait… Mais j’ai du cran, faut qu’ j’essaie… J’ dois !
Ouais, j’ai mill’ chos’ à faire en tête… Mais mon plus grand projet, c’est toi !
Vivre la vie des amoureux ! Vivre avec toi ! Vivre à outrance !
Là, sur ce vélo, c’est nous deux roulant dans la campagne en France…
Là, couchés pépèr’, tu m’ souris sous le soleil, dans l’herbe grasse,
J’accroche une pair’ de ceris’ à ton oreille, et l’on s’embrasse…
Rosa, j’ vois nos enfants courir ! Et derrière eux, notre maison !
Pleine d’amis, de chants, de rir’… Ell’ trône au milieu des saisons…
Et Rosa, les saisons défil’ : été, automne, hiver, printemps…
Nos goss’ ont fait leurs vies en vill’… Nous on vieillit, mais on prend l’ temps !
On se moqu’ de nos blanches mèch’… On s’aime, et s’aimer c’est paisible…
Si le bonheur app’lait nos flèch’, alors on a touché la cible…
Maintenant je vois plus qu’un ciel… un ciel immense…
Et ton visage… en transparence…
Ô… c’est beau… ça…
Ro… sa…
NOT DEAD
C’est simple : y a mon rêve et des obstacles
Donc j’ travaill’ sans trêve, et des sots m’ taclent
C’est ça la vie d’artiste, ouais, comme un’ grosse débâcle
Tu voyais ça moins triste ? Welcome au spectacle !
Faut s’ faire sa place et quitter la lose
Mais y a ces nases qui te jalousent
Y a les dieux de la chance : s’ils t’aim’, coup d’ bol !
Y a ces chanteurs à chier que l’ systèm’ couronne
Y a ces chanteurs qui sont nos modèles
Mais on les copie trop pour que s’ouvrent nos ailes…
Y a ceux qui sont là depuis trente pig’ et qui dis’ quoi ?
Qui dis’ rien, mais qui squattent…
Y a le mépris des gens nés au bon endroit
Et l’ gris des journées au Pôle Emploi
Et l’ jour y a moi qui décharge des camions
Pis moi la nuit qui noircis des page’ à coups de crayons…
Et y a le temps qui pass’, les amis qui s’ lassent
La copine qui se casse, on boit la tasse, on écope
On écrit… Les chansons s’entassent
Mais les financ’ sont bass’ et les factur’ s’amassent
Oui y a tout’ cett’ crass’, les dout’ s’accroissent
Et y a ce gouffre qui s’ouvre sous le rêve, hélas :
Personn’ vient à notre aide
Mais je tiens… I’ m not dead !
Enfin, je tente de dir’ quoi ?
Qu’ ça prend du temps de dev’nir soi…
Refrain
Not dead !… Mêm’ si j’en prends plein la pomme !
Not dead !… Mêm’ si j’ vends qu’un album !
Not dead !… Mêm’ si l’art n’est plus que magouilles !
Not dead !… Mêm’ si tout part en couilles !
Sachez qu’un jour, Crésus et baltringues
Si le talent tue, j’ai ses ball’ et son flingue
Et j’ vous shoote à mon tour : pouh ! Pouh ! Pouh ! Pouh !
Je suis not dead, pas mort ! Not dead, pas mort !
Tout un tas de chanteurs, dans ce siècle à dollars,
Salop’ au jour le jour le beau ciel de l’art
Dans cet azur tâché
Tel Saint-Just je me sens de quoi surnager
Esthétiqu’ment, la concu,
J’ l’ai niquée : pan, dans ton cul !
J’ les dépasse de six crans, mais j’ te l’ dis :
Moi j’ suis pas si grand, c’est eux qui sont petits !
Pas si grand ? Hum… Pas sûr… J’ai
Ecrit des chansons qu’assur’, mais
Inconnues ! Ça f’ra des ravis :
J’ai réussi mon œuvre mais j’ai raté ma vie !
No stress : c’est que not’ presse
Qui nous oppress’ par son absence…
Merci la presse ! On veut de l’art, mais on te dit c’ qu’
Est bon dans les médias, dans les maisons de disques
Y a des patrons, et l’ succès meurt vite…
A moins d’êt’ partants pour sucer leurs bites…
Mais qui s’y plie n’a plus d’existenc’ qu’animale
L’humain se fait bouffer par un pognon cannibale
Tu te vois chanteur et plus grand qu’Hannibal
Mais tu n’es plus qu’un petit pion dans le plan du Capital !
La Financ’ veut not’ tête
Résistanc’ ! I’m not dead !
Enfin, je tente de dir’ quoi ?
Qu’ ça prend du temps de dev’nir soi…
Refrain
Ils parlent de cultur’, mais là-haut, ça s’ fout des rimes !
La poésie, c’est l’ chiffre. Et l’art ? Oh : fast-foods et streams !
Ils parl’ d’écologie, c’est nouveau… Genr’ : j’ vais t’ briefer !
Ils nous font la morale et repart’ en jets privés
Ils parl’ de vérité ? On la voit pas : tout c’la ça s’ range…
Mais l’ prix d’ la vérité, demand’ le à Julian Assange !
Ils parl’ de crise économique, et cett’ pagaill’-là fait peur
Au peuple, on prend son fric : ici, pas d’ Panama Papers…
Ils parlent de justice et de paix, mais qui fait tout vriller
En choyant ses armées, plus que ses profs, ses ouvriers ?
Ils écrasent le monde avec outranc’ ces « gentils boss »
Leurs trônes bien calés dans la souffranc’ des gens qui bossent
Et moi je chante… Moi, je suis…
Refrain
Not dead !… Mais je pens’ qu’à ma pomme !
Not dead !… Moi je vends des albums
Not dead !… Mais des gens immondes magouillent
Not dead !… Mais ce mond’ part en couilles !
C’est ça, nos jours : un bal de dingues !
On danse sur le monde, on le foule, on le flingue
On oublie l’ compte à r’bours : tic tac tic tac…
On est not dead ! Pas morts ! Not dead ! Pas morts !
Pas encore…
LE CERCLE
— Pas moi, disait le Déserteur,
Ni combattant, ni délateur,
Je refus’ de verser le sang,
Je fuis pour rester innocent.
Peut-on s’en aller tuer les hommes
Comme on s’en va cueillir des pommes ?
Moi, j’avoue : j’ai pas réussi.
Gardez vos chars et vos fusils,
Je pars, et si ça n’est pas beau,
Au moins ne suis-j’ pas collabo !
Je fuis l’œil pervers des patries,
Je fuis la hain’ et les bouch’ries…
Qui me blâm’ra de fuir autant ?
— Moi, dit le Résistant.
Refrain
Sait-on jamais vraiment pourquoi
En temps de guerr’, qui devient quoi ?
Et le Résistant poursuivait :
— Comment peux-tu dir’ « je m’en vais »
Quand meur’ nos femm’ et nos enfants,
Quand une épée noir’ les pourfend ?
Quand nos homm’ tomb’ à tour de rôle,
Moi, je ne hauss’ pas les épaules !
Si mon pays se rend, je peste !
Si l’ennemi le prend, je reste !
Je ne tue pas pour les médailles,
Ni par pur amour des batailles,
Mais j’os’ le dire avec fierté :
Je tue pour notre liberté !
Qui blâm’ra ce noble dessein ?
— Moi, murmura le Saint.
Refrain
Et le Saint était un fantôme,
La Mort le tenait dans sa paume
La Guerre avait détruit son corps
Mais son âme brillait encore.
Il dit : — Quand le conflit se noue,
Quand il met les homm’ à genoux,
Moi, je m’assois parmi mes frères,
Et leur souris dans cet enfer.
A l’ennemi qui nous foudroie
J’oppos’ mon amour et ma foi.
Et s’il faut tuer pour s’en sortir,
Je préfèr’ m’éteindre en martyr.
Qui blâm’ra mon amour des êtres ?
— Moi, s’écria le Traître.
Refrain
Et le Traître ajouta : — C’est mal !
Notre existence est capitale !
C’est mal de sauver cell’ d’un autre
S’il faut lui sacrifier la nôtre.
La grande affaire est de survivre !
Tant pis pour les gens que je livre !
Tant pis si leurs spectres vengeurs
Me font la nuit verser des pleurs !…
J’aime trop vivre ! Est-ce un’ lâch’té ?
Je veux la vie, quitte à l’ach’ter !
Car ell’ s’achète… Et l’âm’ se vend,
Si trahir, c’est rester vivant !
Qui blâmera ce cri du cœur ?
— Moi, dit le Déserteur.
Refrain
Et le Déserteur reprenait…
Et le dialogue ainsi tournait,
Car ces homm’ à l’heur’ des aveux
Formaient un cercle autour du feu.
Et moi, tapi dans la pénombre,
J’écoutais parler ces quatre ombres,
Le cœur secoué de convulsions,
Mais l’esprit plein d’un’ seul’ question :
Sait-on jamais vraiment pourquoi
En temps de guerr’, qui devient quoi ?
Quand sur la Terr’ la Nuit chevauche
Quand la paix flanch’, quand la Mort fauche
Puisque nous n’avons pas le choix
Qu’à chaque être un’ bassesse échoit
Que nul ne reste blanc comm’ neige :
En temps de guerr’, qui deviendrais-je ?
MATCH
T’étonn’ pas trop si cett’ zic même
Trotte au tempo d’ cell’ d’Eminem
C’est la pulsion de ces typ’ qu’aiment
La compétition… T’as saisi l’ thème ?
Ecoute écoute un peu la salle
Y a du public et c’est normal
Ça y est nous v’là, ça va fair’ mal
On est fin prêts pour la finale !
Soudés comm’ des guerriers romains
On a la balle, y z’ont l’ terrain
C’est maintenant, c’est pas demain
On a bossé pour ça, putain !
Chacun son camp, dernier chapitre
On attend l’ coup d’ sifflet d’ l’arbitre
On n’est pas là pour fair’ les pitres
On est venus décrocher l’ titre !
Refrain
Tous alliés, pour gagner
Tous en groupe, unis pour remporter la coupe
Tous en choeur, tous vainqueurs
C’est l’histoire d’une épopée vers la victoire
Hop, le coup d’envoi, c’est parti !
Hors de question d’ perd’ cett’ partie !
On va plier ces joueurs, pardi !
Tous les croquer comm’ des smarties !
Ça court partout, baskets aux pieds
Ces cracks, c’est nous : brav’ équipiers
Visag’ en sueur, maillots mouillés
Ce match on va le verrouiller
Premièr’ mi-temps : malgré l’effort
C’est l’adversair’ qui mène au score
Mais on connait les lois du sport
On sait qu’on peut marquer encore !
Retour sur le terrain, terribles :
On contre-attaque, des feint’, des dribbles
Ça va très vite, on vis’ la cible
On voit les buts, oui c’est possible…
Le chrono tourne, on s ‘ fait des passes
Nos pieds sont lourds et nos jamb’ lasses
On veut toujours la premièr’ place
Sur le trophée : graver nos blazes !
Y sont balèz’ bordel ces types
Y z’ont pas le ballon sceptique
Mais y aura qu’un vainqueur, c’est qui ?
Putain, c’est nous : meilleure équipe !
Refrain
Certains comprennent peu, certains comprennent mal
Tant d’amour pour un jeu, de passion pour un’ balle
Ceux-là croient qu’ un’ partie, c’est du temps que l’on gâche…
Nous on vit toute un’ vie dans un match…
WATERLOO DANS UN VESTIAIRE
Dans le vestiaire assis
Rabaissés, radoucis
On n’a plus trop la tchatche
Tous en sueur, silencieux
Fixant le sol des yeux
On a perdu le match
Pour vous, nous savons bien
Que tout cela n’est rien
Pour nous, c’est capital
Nous traversons le pire
Car c’est perdre un empire
Que perdre la finale
Refrain
Pour nous le cœur ce soir est gros
Pour nous cette heure, c’est Waterloo
Ce que livre une équipe
Ce sont des duels épiques
Vous n’aimez pas ? Dommage
C’est puissant comme Homère
Et joli comme vos guerres
Dans les livres d’images
Car vos guerr’, ell’ sont gores
Les nôtres sont plus sport
Bien qu’on se fass’ gifler
Quand nos concurrents mènent
Et que l’arbitre assène
Le dernier coup d’ sifflet
Refrain
Vos ball’ à vous, ell’ butent
La nôtre vis’ les buts
C’est un jeu moins sévère
Ce ballon qu’on se passe
Et l’émotion qu’il brasse
C’est tout un univers
Un match, ça se peaufine
Comme un vers de Racine
Comme un diamant qu’on taille
Nos victoir’, on les fête
Mais on pleur’ nos défaites
Sur un champ de bataille
Refrain
Mais voilà tout à coup
Qu’apparaît sur la joue
D’un des joueurs une larme
Elle scintille et descend
Ça n’a rien d’indécent
Ça donne au joueur du charme
Voilà qu’ell’ se propage
Allumant les visages
Est-il plus beaux galons
Quand là dans un vestiaire
Une armée tout entière
Pleure autour d’un ballon ?
Refrain
TIGRE
Aujourd’hui des monsieurs sont viendus à la maison
y z’ ont dit : ordre du ministre Tarkane !
Alors mon Papa y m’a donné son tigre en peluche
Celui de quand il était petit garçon
Et il a dit : Quoi qu’ils nous fassent, mon fils,
Il faut aimer les hommes. J’ai dit oui
Et les monsieurs y z’ ont emmené mon Papa
Et ma Maman et moi on a pleuré.
Tigre et moi on est toujours ensemble !
Et c’ qu’on préfère le plus que tout, c’est les vacances !
Même qu’on peut jouer dehors toute la journée !
On fait des cache-cache, des cascades, des cabanes, tout ça…
Des fois aussi, y a mon copain Baakir qui joue avec nous.
Il est cool Baakir ! On ramasse les chewim-gums
Qui sont collés sur le trottoir
Et on les mange… C’est vach’ment bon !
Mais aussi Baakir, faut qu’y s’occupe de ses p’tits frères
Alors Tigre et moi on se promène…
On parle du ministre Tarkane,
Et comme il est méchant, avec Tigre on grogne : gggrrr !
A l’heure du goûter, on rentre à la maison,
Ma Maman elle nous fait des tartines de confiture
Et on les mange en regardant les dessins animés…
C’est cool les vacances !
Mais aussi, y a l’école… Et aujourd’hui à la récré
Les autres enfants y z’ ont dit que Tigre il est moche
A cause de son oreille déchirée…
Alors on s’est battus dans la cour,
Et après, le directeur dans son bureau
Il a dit : c’est mal, mon garçon !
Tu me copieras cent fois : je ne dois pas frapper
Mes camarades. Alors je copie cent fois…
Heureusement y a Tigre y me fait un câlin
Et y dit : y faut aimer les hommes !
Refrain
N’oublie jamais ça, mon fils :
Même s’ils déraisonnent,
Même s’ils cèd’ à leurs vices,
Il faut aimer les hommes !
Tu peux blâmer leur justice,
Leur Kyrie Eleison,
Mais n’oublie jamais, mon fils
Qu’il faut aimer les hommes !
Et les années pass’, et la vie c’est pas qu’un film en couleur
Tarkane est dev’nu président, mais y sait quoi c’ typ’ de nos douleurs ?
Il nous a promis travail, bonheur, santé, mais j’ rage :
Ma mère est tombée malade en faisant des ménages !
La vie, c’est un’ lot’rie, mais si t’as pas l’ putain d’ ticket
T’en chies quand les autr’ rient, c’est pir’ qu’ les pag’ d’un bouquin d’ Dickens.
C’est fou comme au début, sourir’ paraissait tout indiqué…
Pis les jours s’ mett’ à courir, tout est soudain niqué!
Tarkan’ dit : le travail est le berceau des grand’ vies saines !
Ma mère est morte au taf à coups de balais et d’emphysème !
Depuis j’ vis chez Tonton et Tata, qu’ont pas qu’ des envies zen :
Ell’ picole, y m’ cogne. Et y a des gens qui s’aiment ? Ah !
Au lycée, j’ai pas la cot’, j’écop’ des colles
J’aim’ pas l’écol’, les copies, écoliers et profs… J’ rigol’ pas !
J’ m’agrippe à ma table et chaqu’ fois qu’ j’en ai trop marre,
J’ caress’ Tigre dans mon cartable, et j’ fuck tous ces connards !
Heureus’ment y a Baakir, le seul pot’ que j’ai.
Dans les cafés, y m’ caus’ politique. Il a des projets !
J’ lui dis : poto, j’ pig’ pas tout quand tu m’ parl’ de tes plans…
Il sourit, pis ajoute : bien sûr, parc’ que t’es blanc !
Baakir, j’aime ses airs, mêm’ si j’ sais pas encore
Ce que c’est que son Aimé Césaire ou Sedar Senghor…
Ensemble, on s’éclate et j’ me dis que la vie n’est pas si complexe,
Et pis v’là qu’un jour on croise un type qui tape son clebs…
Et je me rue sur ce mec, qui tabass’ le clebs avec
Une canne en or (sans dec!…), j’ le pousse et ce con va s’ex-
-ploser sur le sol et dès qu’il se relève, aussi sec,
Il brandit sa canne et m’ décoche une pluie de coups, j’ m’éc-
-roule, alors d’un coup, Baakir accourt
A mon s’cours, l’autre crie comme un sourd : Je suis l’ député De Flore ! J’ai
Stoppé la pègre, j’vais pas m’ gratter pour un nègre !
Sa canne cogne et recogne, et tout à coup crac le crâne de Baakir éclate !
Refrain
De Flore était bien député, qui plus est des plus réputés
Donc en cett’ qualité, ce con a été acquitté.
C’est fou ce qu’on a comme idée chez tous ces pont’ en comité…
C’est bon ça : l’immunité ! Un bond pour l’humanité !
Mais Baakir est mort ! On a mis mon ami
Under the floor… Et De Flore est dehors… Yes
Les vrais coupables, disons qu’ils s’en tir’ quand nous nous brisons :
Baakir est mort, et j’ai pris six ans de prison !
Derrièr’ mes barreaux, j’ regard’ tomber la neige en hiver
L’été j’ mate les oiseaux. On est là des gens divers :
Y a des prisonniers psychotiqu’, y a des sadiqu’ et des sal’ cons,
Pis moi en pilote automatique entre ces typ’ et les matons…
Mais la nuit, quand tous ces gars s’endorment,
Dans mon lit, je lis Nietzsche et Sedar Senghor.
J’ pense à Baakir qu’ avait raison… Cett’ pensée-là m’ rend fort,
Et je fleuris dans ma prison. Le Temps passe… Et v’là qu’ j’ en sors !
Me rev’là dans la vie, mais je prends vite un’ claque :
Quand je cherche un taf, on m’ dit : tu prends tes cliqu’ et tes claques !
Quand je cherche un’ meuf on me gifle flic flac
Et les heur’ fil’ et ça fait tic tac, faut pas t’étonner si j’ craque…
Fuck ! Y m’ faut du fric dans c’ foutu micmac…
Mec, j’ suis ric-rac, j’ pourrais braquer pour un Big-Mac…
J’ suis à deux doigts d’ m’offrir une banque cric crac
A deux doigts de devenir un type antipathique … Et pis v’là qu’
Un jour, je rencontre un group’ de résis-
-tance, et mon existence acquiert un peu d’ consis-
-tance… Yes, Baakir s’rait fier aussi j’ pense :
On se dresse, on manifeste, on avance !
J’ai même chopé un’ petit’ gloire : les flics ont
Ma photo dans leurs tiroirs, et pour la peluch’ que je
Porte dans mon dos (non mais t’y crois ? ) :
Ils m’ont surnommé Tigre, ouaw !
Aujourd’hui, De Flore est nommé ministre. C’est un outrage !
Notre groupe est dans la rue qui proteste avec courage.
On brandit des photos d’ Baakir en criant : hourra ! Je
Marche en tête du cortèg’, le visage en pleurs, et fou d’ rage…
Le crime, on le couronne ! C’est honteux, c’est sinistre !
Tu but ‘un honnête homme, et on te fait ministre !
Rien n’a vraiment changé Papa, depuis Hattie Carroll…
Mais c’ connard ne l’emport’ra pas au Paradis, parole !
Ah si, un petit truc a changé, en pire :
On vit p’us en républiqu’, maint’nant c’est un empire !
Devenu dictateur pour parer toute invasion,
Tarkan’ se fait appeler le Padre de la Nation.
Mais c’est un père à la Saturne : il dévor’ ses petits,
Déploie sa police avec force appétit,
Kalashs et CRS nous encerclent, ça s’est corsé, pardi…
Un cri, un coup d’ feu, et tout débord’, c’est parti !
Ils attaqu’ et nous plaqu’ au sol, nous traqu’ et matraquent
Les potos Blacks, et j’ peux pas crier, j’ peux pas les aider parce que
J’ revois Baakir là par terre… Ça m’ paralys’, putain,
Depuis De Flor’, j’ai peur de la baston et des matraques !…
Mais soudain v’là qu’un flic m’arrach’ mon tigre en peluche
Et là, j’ai ce déclic, et je pète un plomb
Je vois plus, j’entends plus, je sais plus qui je suis
Mais je s’rai plus jamais lâche… Un fauv’ se lâche !
J’ bondis sur le flic et piqu’ sa matraque. En un instant,
J’ cogne et recogne, et sa gueul’ se change en un bain d’ sang…
Et je tape, et je tape, et je tape, et je peux pas stopper
Mon bras, et tout n’est plus qu’une bouillie noire où je vois
Nos visag’, nos martyrs, Baakir, ma mèr’, je vois
Tigre, et mon père, et dans le sang j’entends la voix :
Il faut aimer les hommes… Ô Papa, j’entends ces parol’ en or
Mais la matraque monte et redescend, encore, et encore, et encore !…
Refrain
LES AMANTS DU KIOSQUE
Tous les deux on vit là
Au coeur de ce village
On y a grandi peinards
Entre l’église et l’ bar
Ça nous plaît, surtout lorsque
On vient jouer sous le kiosque
Et ça dans’, jeun’ et vieux,
Les dimanch’ sont joyeux
Guitare, accordéon
Peinards, d’accord, mais bon :
Y a d’aut’ chos’ à goûter
Et chacun d’ son côté…
Refrain
Quoi qu’on nous vende
C’est pas qu’ j’ai l’ choix :
Si l’on m’ demande,
C’est toi qu’ j’aim’, j’ crois…
Mais pour mett’ ça au clair
Je f’rai l’ tour de la Terre
L’amour vrai, j’ veux voir si
J’ le trouv’rai loin d’ici
J’ trac’ la rout’, c’est magique !
J’ travers’ tout’ l’ Amérique
J’ vois des bruns, j’ vois des blonds
J’ côtoie plein d’Apollon
Et l’amour tend sa toile
Mais partout j’ pense à toi…
Passent les paysages,
Les années, les visages…
C’est fou ce qu’il faut mettre
De jours, de kilomètres
Quand on cherche en sa ronde
L’amour autour du monde
Refrain
Quoi qu’on nous vende
C’est pas qu’ j’ai l’ choix :
Si l’on m’ demande,
C’est toi qu’ j’aim’, j’ crois…
Mais pour mett’ ça au clair
Je fais l’ tour de la Terre
L’amour vrai, j’ voudrais l’ voir
J’ le trouv’rai quelque part
Du village à la Chine
Je voyage… Imagine :
Des rob’ en ribambelles
Je flirte avec cent belles
Et l’amour tend sa toile
Mais partout j’ pense à toi…
Passent les paysages,
Les années, les visages…
C’est fou ce qu’il faut mettre
De jours, de kilomètres
Quand on cherche en sa ronde
L’amour autour du monde
Refrain
Je fais l’ tour de la Terre…
Je fais l’ tour de la Terre…
J’ai marché nuit et jour
J’ai cherché l’ grand amour
J’ai pris l’ temps, j’ai pris d’ l’âge
Et je rentre au village…
J’ai pris l’ temps, j’ai pris d’ l’âge
Et je rentre au village
Je me balade et glisse
Du vieux bar à l’église
Et qui est-c’ que j’ vois lorsque
J’arriv’ près du kiosque ?…
Te voilà ! T’es rev’nu !
On est là, on a vu
Tant de gens sur la Terre
Olala l’inventaire !
On dirait du Prévert
Mais maint’nant :
Je sais qui je préfère…
Refrain
Quoi qu’on nous vende
Là, sous l’azur :
Si l’on m’ demande,
C’est toi qu’ j’aim’, sûr !
Et pour mett’ ça au clair
J’ai fait l’ tour de la Terre
J’ suis rev’nu-e, toi aussi :
L’amour, c’est nous, ici
MONUMENTAL
Retour au grenier d’où jadis il fut assez beau d’ croire
Que j’allais tout niquer, désormais putain c’est trop noir
Veni vidi mais pas vici, résultat : zéro gloire
Je reviens pour mourir ici, toi tu brass’ tes dollars
La tune et le succès, je suis passé sous leurs sonars
Mais tu ne m’as pas tout pris tu sais, j’ possèd’ l’or des zonards
Clochard dans la vie, je meurs tel un emp’reur dans mes beaux arts
Fous-moi dans la fosse et demain tu m’appell’ras Mozart
J’ai bâti toute une œuvre et tu t’es gardé mes oscars
Je sais bien que t’aim’ pas qu’on vienn’ t’en parler, mais j’os’, car
Mon art est vivant, c’est pas du rococo, genr’ Fragonard
Et je vis, donc quand tu m’ frapp’, aussitôt je r’frapp’, connard !
J’ suis un roi en exil, mais légitime, un Aragorn, la
Route est à moi, t’as piqué l’ royaum’, mais j’ai le trôn’, là (il désigne son cœur)
C’est fou comme on d’vient bon quand on tient bon, j’aime trop l’art
Un pied dans la tomb’, je brille à mort ! Il est jamais trop tard…
Ouh, si tu savais c’ que ça fait d’ s’effacer quand tu sais
Que tu dépass’ à fond ceux qui t’ont vu passer…
Mais non : toi tu préfèr’ croire à ta supériorité
En entassant les géants sous ta super médiocrité
Parce qu’aujourd’hui je l’ sais, j’ t’assur’, j’en fais les frais
Que souvent, les vrais, les grands, tu les écras’ quand ils t’effraient
Combien de génies dont jamais personn’ n’entendra parler ?
Dans ton Histoire officiell’, combien t’en as barré ?
A défaut de pouvoir se faire entendre de ce monde
La vérité impactera le silenc’ quelques secondes
Elle y laiss’ra un’ trace, un trou dans l’ombre, un écho,
Une morsur’ de loup blessé, l’étoil’ d’un ego
Retour au grenier dans le noir et la mémoir’ d’un rêv’ qui n’est pas mort,
Qui peut taper très fort encore, sur l’ bord du néant j’ lance
Un feu d’artifice, que tous mes vœux pour l’art s’y glissent, Putain
J’ suis paré pour le bouquet final, pour un son monumental !
Refrain
Tu pensais nous avoir fait la peau ? Tu pens’ mal !
Toujours debout dans l’ombre, au flambeau du mental
J’ donne un dernier coup, c’est pas un’ menue mandale
C’est un uppercut, un’ chanson monumentale !
C’est un’ rafal’ dans ta tête, fils de pute, on est là
Pour te fair’ ta fête, que quelques minut’, hélas…
Mais ce son n’est pas une menue mandale
C’est le sursaut des oubliés, c’est Monumental !
« Chut ! Moins fort, on pourrait t’entendre… » Hein ? T’es qui, toi ?
« Ta concience » Hein ? « Tu peux pas parler comm’ ça ici… » Quoi ?
« Tu as tort… » Cass’ toi ! J’ parle au mond’ ! « Chut… » Cass’ toi !
« Allons… » Quoi ? « Chut… » Merde, c’est ma têt’ ! J’ suis chez moi !
Le monde est petit, moi j’ai bâti grand ! « Chut ! Dis pas ça… »
Avant d’ le dir’, j’ l’ai fait ! Mais quoi, tu veux m’ôter l’estime ?
Me bâillonner ? Me cadenasser dans la modestie ?
Tu veux qu’on m’ force à respecter ce monde en mode assis ?
Putain, j’ai fait des chos’, moi… Pfff, modestie…
J’ peux pas tair’ la vérité sous couvert de modestie
« Ne dis pas ça… » Faut pourtant bien qu’ la vérité parle aussi
Et qui lui donn’ra la parol’ si moi j’ le fais pas ici ? « Chut… »
J’ai fait un’ révolution de haut’ volée « Ah ah… »
Pondu six cents chansons de tout’ beauté « Pfff… »
C’est monumental, sans déconner ! Mais faudrait gober sans douter
Qu’ tout ça n’existe pas car le mond’ l’ a pas écouté ? « Ah ah ah… »
Check’ mes musiqu’ et mes thématiques, décortique mes chansons,
L’écritur’, la métrique, la narration,
Les rythm’ et les mélodies, les rim’ et les harmonies
J’ai fait mijoter l’alchimie du sens et du son, ouh !
Toutes ces nuits passées plume à la main pour peaufiner
Trois mots, un vers, un’ strophe à faire, elle est moch’ ? A r’faire !
Oui, j’ai trimé ! Avec le papier, j’ai copiné
Gratté des pag’ quand tout’ ta jet set allait tapiner !
Et j’ai grandi… Oui, c’est de l’ego trip, mais c’est pas un truc de vantard
Je gifle la modestie, mais je m’agenouill’ devant l’art
Ton monde fait l’inverse ? Ok, chacun son étendard
Moi j’ai de l’ego pour le rendez-vous du beau, mais là, le monde est en r’tard…
Quand tu crées, ton art, c’est toi, tes crocs, tes rages
C’est concret. Si tu n’as pas d’ego, dégage !
Et qui nous crée du beau n’est jamais juste une ombre
D’ailleurs on dit ego, mais dans ma tête je suis nombreux…
Donc, appell’ nous le Chateaubriand du rap, c’est mérité !
Appell’ nous le Brassens de l’aventur’, c’est mérité !
Appell’ nous le Conrad de la chanson, c’est mérité !
Mais putain qu’on appelle enfin par son nom la vérité !
Donc, appell’ nous Kapuche, ou Bossone, ou Puzzle
On est plusieurs, on bûch’, car le beau sonne pas seul
Pour niquer les embûch’, on est beaucoup de personnes
On charbonne, on épluche, on bosse, on persévère !
Et puis y a tous les autres, nos légions souveraines
Ces frelons qui ont fait ou feront nos révolutions souterraines
Tu les étouff’ et tu les fauch’ : il faut s’étaler sous tes rêves
Ton art est faux, tes feux sont faux, mais t’as les sous, tu règnes !
Parlons vrai, pour une fois ! Par l’ombre et par ma voix :
Du fond de la nuit on te pointe du doigt, que tu le veuill’ ou pas : nous écouter, tu dois !
Car t’as beau nous massacrer, pour mourir je prends mon temps, comm’ tu l’ vois
J’ rendrai pas mon dernier soupir avant l’ couplet trois !
Refrain
Funèbr’ et furieux, funèbr’ et furieux
D’avoir dû nous éteindre avec nos œuvr’ et leurs mots radieux
Funèbr’ et furieux, mais : funèbr’ et glorieux !
Ces ténèbres si laid’ où s’éteint le crayon
Il me reste un couplet pour y mett’ un rayon
Du fond de la nuit j’ouvre un’ brèche et pose un monument
C’est pas que pour moi, c’est pour tous les grands oubliés des siècles qui ont bossé dur’ment !
Mes copains et moi, ce tombeau nous l’avons mérité dûment
On y mettra nos victoir’, nos rêv’ et nos instruments
Retour au grenier d’hier où jadis, les fils de putes
N’avaient pas d’emprises sur nos entrepris’, nos buts…
Retour au héros d’ hier traînant dans la poussière
Que mon monument sans pierr’ verse un peu sur lui sa lumière
Funèbr’ et furieux, funèbr’ et furieux :
Joli costum’, posthum’… Dans les ténèbr’ on a jamais vu mieux !
Funèbr’ et furieux, funèbr’ et furieux
Mais : de pas perdre quand tu gagn’, déjà y a du mieux !
Je lâche une chanson, je nous élève un monument !
« Non, tu peux pas fair’ ça… » Ah ! J’ vais m’ gêner null’ment !
J’ me sens pas désolé d’ bâtir un mausolée pour tout ce beau
Qu’on nous a volé, sans déconner… « Oh ! » Salop’, silence ! Ecout’ ça :
C’est un chant sculpté dans l’oubli, tous ses cris sont beaux, et j’y tiens !
C’est un crachat des nuits brillant comme un tombeau égyptien
C’est un pavé balancé, un’ sépultur’ qui s’élèv’ dans l’ vent
Un tombeau d’emp’reurs anonym’ où fleuriss’ les rêv’ d’enfants
C’est un chant de justice en nécropol’ déguisé, qui taffe…
Sur c’ couplet comm’ sur un’ stèle, et pour conclure, en guis’ d’épitaphe
Pour résumer ce drame et ma prose, j’ grave un’ larme, un’ rose
Et pour toi qui nous tues, vandale : un doigt monumental !
Refrain
CHEROKEE ROSE
Homm’ de pouvoir qui a vaincu
Grand homm’ ? Faut voir… Grand cœur ? Mon cul !
Nul cœur ne brill’ par la violence…
Roi dont le règne s’est écrit
A coups de feu et de mépris
Toi le héros qui vire au rance…
A ta conn’rie je dois un’ chose
C’est ma chanson : Cherokee rose
Paraît qu’ tu bris’ jamais rien ? Tiens :
Parlons de ces amérindiens
Qu’ t’as balayés, pir’ qu’un mistral…
Combien tombèr’ sous tes gendarmes ?
En suivant la Piste des larmes
Si loin de leur terre ancestrale…
Mais ces larm’ ont semé un’ chose,
Une fleur : la Cherokee rose
Parlons un peu de cette fleur
Qui s’est él’vée sur la douleur :
Plus haut’ que toi de plusieurs tailles,
Plus touchant’ que Rox & Rouky,
C’est la tout’ blanch’ ros’ cherokee
Et le revers de ta médaille…
C’est sur tes noir’s apothéoses
Que fleurit la Cherokee rose
Et dans la nuit de ta conscience
Comme Caïn (dont c’est la science)
Tu sens la fleur et vois les morts…
La fleur et ses fantôm’ qui dansent
Tu voudrais mourir vit’… Tu penses !
On meurt lent’ment de ses remords…
Tyran, crains plus qu’une overdose
Le parfum d’un’ Cherokee rose
J’ te laiss’, mais avant de partir
Je voudrais dire à tes martyrs,
A vous, victim’ de ces carnages
Passés, présents et à venir,
Qu’ell’ fleurit comme un témoignage,
Comme un blason du souvenir,
Sur les terr’ que vos larm’ arrosent,
Votre éternell’ Cherokee rose
LA PAGE BLANCHE
Auteur : Jérémie Bossone
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Un homme, un’ femme, un ange
Un voleur ou un prêtre
Et donnez lui la main
Qu’il ne reste pas seul
Pour tracer son chemin
Des langes au linceul
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
En habit du dimanche
En clown, en roi peut-être…
Et donnez lui la main
Pour n’en pas faire un fou
Songez que cet humain
Ce pourrait être vous…
Et peignez son enfance :
De grands rir’ qui éclatent
Des cerfs-volants qui dansent
Des trésors de pirates
Et donnez lui du pain
Celui des gens modestes
Qu’il apprenne à dompter sa faim
Quand la vie devient peste
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Que sa beauté soit franche
Et pas que du paraître
Non, donnez lui du cœur
Et l’envie de tenter
Que vaincu ou vainqueur
Il ne cess’ de chanter
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Un’ danseuse, un Comanche
Un amoureux des lettres
Oui, donnez lui des mots
Et puis des chos’ à dire
Des bouquets d’idéaux
Tout un monde à bâtir
Peignez l’adolescence
Avec ses grands frissons
Ses flirts et ses romances
Ses appels d’horizon
Et donnez lui des larmes
Cell’ qu’on verse à vingt ans
Car null’ monnaie n’a plus de charme
Pour payer nos printemps
Prenez un’ page blanche
Et dessinez un être
Et si sa maison penche
Ouvrez grand ses fenêtres
Oui, donnez lui l’espace
Avec des champs de roses
Qu’il apprenne à trouver sa place
Dans la beauté des choses
Prenez un’ grande page
Pour offrir à cet être
Des amis, des voyages
Du ciel, des feux, des fêtes
Et donnez lui l’amour
Sans frontière et sans trêve
Qu’il en fass’ l’écrin de ses jours
Et l’éclat de ses rêves
Sur cett’ page moins blanche
Dessinez l’âge adulte
Mais sans que son cœur flanche
Au contrair’ : qu’il exulte !
Oui, donnez lui la force
De hisser haut ses voiles
A l’heur’ triste où l’on rentre au port
Qu’il s’accroche aux étoiles
Prenez un’ page blanche
Mais ne soyez pas traître
Ne la laissez pas blanche
Peignez-y tout votre être
Et donnez lui vos heures
Qu’il apprenne à briller
Pour dissoudre dans ses couleurs
Les grains du sablier
Et peignez la vieillesse
Avec ses cheveux blancs
Ce blanc que la pag’ laisse
A l’homme au fil des ans
Et donnez lui la main
Pour entrer dans sa gloire
Quand la page au bout du chemin
Devient notre mémoire
Tuez la page blanche
Pour peindre un grand tableau
Tuez la page blanche
Pour écrire un grand livre
Tuez la page blanche
Pour montrer tout le beau
Tuez la page blanche
Pour dire : on a su vivre
STENDHAL SOUS LE PRÉAU
Auteur : Jérémie Bossone
Lycée du Bois d’Amour : j’ t’en parle, et tu t’emballes !
J’ vis là, élève interne, en sport-étude handball
Avec tous mes frérots
Le jour, en sall’ de classe, on charbonn’ pas tell’ment
Mais le soir au gymnase on s’ donne à l’entraînement
Pour dev’nir des vrais pros !
Hélas, un jour c’est mort : forfait du corps, blessure.
Pour moi, fini le sport. J’en chiale encore, c’est sûr…
Pourtant l’espoir prévaut…
Car privé de ballon, chaque soir est joli
Depuis que sur ce banc, j’ viens m’asseoir et je lis
Stendhal, sous le préau !
Refrain
Que seras-tu, qui l’ sait ?
Au sortir du lycée ?
Oh, dis-moi :
Où va ce qu’il sème ?
En cours, j’avoue qu’ ça craint : mes not’, c’est la disette…
C’est lourd, Tony fout rien et récolte un dix-sept
A tout’ les interros !
Moi j’ mate Aude en rêvant qu’elle est ma prisonnière
Ou j’ m’accorde un moment d’école buissonnière
C’est plus doux qu’un zéro…
La dirlo me sermonne, ell’ parle, et quel discours !
Du genr’ : sécher, c’est mal. Ok, mais dis, ses cours
J’ les suis à peu près, oh !
Y a que les heur’ de maths et de chimie, sans dec
Où je manque à l’appel car j’ai rencard avec
Stendhal sous le préau !
Refrain
Que seras-tu, qui l’sait ?
Au sortir du lycée ?
Oh, dis-moi :
Qui va se briser
Qui va se hisser
Haut ?…
Loin des stylos encre, intellos et cancres :
Qui serons-nous, passée l’heur’ du lycée ?
Qui l’ sait ?
Tout le monde est en cours, au vrai j’ sais pas c’ qu’y foutent
Moi, je vis dans la cours, auprès du baby foot
Où j’ lis. J’ crois pas qu’ c’t’ un mal !
Je cultive en ce lieu mon décrochag’ scolaire
Je m’élève au milieu de personnag’ solaires :
Ces héros de Stendhal !
Sorel et Del Dongo me donnent des frissons
J’apprends d’eux l’art dingo de fleurir en prison
Ils me poussent très haut !
Car maint’nant j’ suis certain, et ça c’est fascinant,
Que je s’rai écrivain ! Déjà j’ m’imagine en
Stendhal… sous le préau !
Refrain
Que seras-tu, qui l’sait ?
Au sortir du lycée ?
Oh, dis-moi :
Qui va se briser
Qui va se hisser
Haut ?…
Y a le BAC, y a la Fac, et en vrac :
Y a les vacanc’ et la vie qu’avance
Et v’là que les ans nous façonnent…
Loin des stylos encre, intellos et cancres :
Qui serons-nous, passée l’heur’ du lycée ?
Moi je l’ sais !
MONT-PERDU
Auteur : Jérémie Bossone
Soudain c’est des coups d’ feu, des cris à deux trois r’prises…
Une averse de ball’ a criblé le par’-brise…
Mes doigts serr’ le volant, mais en gros, ça va bien !
Je regarde à côté : c’est bon, Rosa n’a rien.
Rosa, c’est mon amour, c’est mon feu, c’est mon ciel !
D’ailleurs on veut s’ marier… C’est un vœu démentiel,
Car elle est fill’ d’un rich’ banquier de Salamanque,
Et moi, y a qu’ pour braquer que je passe à la banque !
Enfin, je frime un peu : j’ai braqué qu’un’ seul’ fois,
C’était y a cinq minutes… Et quel succès, ma foi !
Mais Rosa m’avait dit , juste avant ce coup d’ maître :
Nous ne f’rons qu’un braquage. Ell’ me l’a fait promettre.
Pourtant, ça lui plaisait, ce parfum d’aventure !
Ça lui faisait penser à cett’ femme en peinture,
A c’ tableau d’une aïeul’, dans sa chambre accroché,
Dont elle est, paraît-il, le portrait tout craché…
L’aïeule, au seizième siècle, avait nom Rosalinde.
Un galion espagnol l’emporta vers les Indes,
Avec de fiers seigneurs souriants sur leur vaisseau.
Et cett’ band’ de branleurs a sombré sous les eaux.
Moi je suis pas friand d’ tous ces cons qui s’adorent,
Qu’ils soient banquiers brillants, rois ou conquistadors.
Mais si Rosa le dit, j’ veux bien trouver ça beau…
Mêm’ si j’ sais qu’ ma Rosa vaut mieux qu’ tous ces tableaux !
Fuck ! Ces flics sont pas doux… Putain, j’ veux vivre éh oh !
Ça shoote un peu partout… Pir’ qu’un jeu vidéo !
Dans mes viscèr’ je sens comme un froiss’ment d’ pétales…
Rosa crie : Accélère ! Et j’enfonc’ la pédale.
On file, et dans l’ rétro, la ville enfin s’éloigne.
Les flics sont à nos trouss’, leurs sirèn’ en témoignent…
Leurs coups d’ feu nous malmèn’, mais on est bien couverts :
J’aim’ Rosa, Rosa m’aime, ils ne peuv’ rien nous faire !
Refrain
Nous voulons vivre à fond, nous roulons tout le jour !
Blafards, blessés…
Et la nuit toujours…
Plein-phar’, pressés !
J’ dis qu’ nous roulons la nuit, mais c’est qu’un’ métaphore…
Plus tard viendront la nuit et sa lun’, mais d’abord
Y faut fuir, et fissa, les flics et leurs rafales !
Et tous les deux nous v’là sur la route en cavale !
J’ crois pas qu’ fuir en duo soit nul, ni qu’ c’est mieux seul…
On roule et la radio pass’ du Nipsey Hussle.
J’ me dis qu’ j’ai pas beaucoup, mais que j’ suis un homm’ droit !
Et Rosa qu’avait tout, m’aime et m’ suit… Hein, comm’ quoi !
Je pense à ses parents, ces dieux froids des haut’ sphères…
J’ai barboté leur banque, et leur fill’ ! T’ sais qu’ faut l’ faire !
J’ai déclenché j’ parie un p’tit tollé là-haut…
Moi, le brigand muni d’un pistolet à eau !
Mais les flics reparaiss’, nous taraud’ et nous visent.
Rosa dit : Ça m’ rappell’ tout un tas d’ road movies !
On s’ croirait chez Godard ou chez Nicholas Ray…
Mais s’ils croient nous avoir, tous ces nigauds-là rêvent !
Plus d’ flics. Le soir descend, et nos visag’ aux anges,
On traverse à présent un paysage orange,
Tout peuplé d’arbr’ en fleurs. Les yeux noyés d’ivresse,
Et nos mains enlacées sur le boîtier d’ vitesse,
Je dis : Rosa, un jour on r’viendra, j’ te l’ promets !
On r’viendra, mon amour ! On pourra se prom’ner,
Toi, moi et nos gamins dans ce tas d’ fleurs inouï…
Promis, on r’viendra, hein ? Rosa pleure, et dit : oui.
Maintenant c’est la nuit. Paus’ pisse, et l’on r’démarre !
La route glisse et fuit sous l’ faisceau blond des phares…
La nuit, c’est calme et beau. Tout un éveil des sens !
On roule, on rêve, on cause, on r’fait le plein d’essence.
On avale un café, on relanc’ le moteur.
On s’embrass’, les pneus criss’, on r’fait danser l’ compteur !
La nuit nous ouvre un monde : on a tout l’ temps, on entre.
J’en oublie quelques s’cond’ les deux trous dans mon ventre…
Refrain
Et maintenant, c’est l’aube. Y a plus rien d’affolant.
J’ai la main sur mes plaies, Rosa tient le volant.
Je la mate, assis là, sur le sièg’ passager…
Elle est bell’ ma Rosa… Mais j’ l’ai pas ménagée…
Son visag’ tout à l’heure est dev’nu super pâle
Quand elle a découvert mes deux blessur’ par balles…
Ell’ conduit, mais c’ coup dur, ell’ s’en est pas remise :
Ses yeux vont de la route au sang sur ma chemise…
Un méd’cin ? Qu’est-c’ tu m’ chant’ ? Y faut gagner la France !
N’insiste pas Rosa ! Vit’ ! Go ! Magne ! On avance !
L’auto fil’ sous le ciel… Tant qu’ell’ roule, on perdure !
Et l’on entre dans le massif du Mont-Perdu.
On avance, et voici la vallée d’Ordesa.
Putain, quel paradis ! Rosa, regarde ça !
C’est partout des forêts, des canyons et des lacs !
Mat’ l’isard ! Enfoiré, tout ça donne un’ tell’ claque !
Plus haut, c’est un aut’ monde, et c’ monde aussi me branche :
Des prairies d’edelweiss ! Des monts aux cîmes blanches !
Rosa, tu pleur’ ? Allez ! Qu’est-c’ qui s’passe ? Ah, c’est vrai :
J’arriv’ plus à parler… Mais faut pas qu’ ça t’effraie !
C’est trop con tous ces mots coincés là sur mes lèvres…
Mais je souris, tu vois ! Oh non, c’est pas la fièvre,
C’est qu’ te v’là dans ta rob’, cell’ qui m’ plaît bien… Pourquoi ?
C’est trop sympa d’ l’avoir enfilée rien qu’ pour moi !
T’es trop belle, on s’embrasse… Et tu m’ jett’ un clin d’oeil…
Sûr que leur monde en bas, on en a fait le deuil !…
L’amour brille et l’on grimpe : tout ça c’est le mêm’ thème !
En avant vers l’Olymp’ ! Rosa, je t’aim’, je t’aime !
Plus haut, Rosa, plus haut !… Je veux toucher la neige !
Comme un goss’ veut pécho la queue sur un manège !
Viens Rosa vers l’azur… On monte, on décoll’, fiers…
Ça y est : notre voiture est dev’nue montgolfière !
Refrain
Rosa, je te vois plus… C’est qu’on doit foncer vite…
Mais je vois le soleil ! Il touche à son zénith…
Et nous aussi, c’est ça ? J’entends plus le moteur…
On a dû se hisser à la suprême hauteur…
Comme cet aigle autour, que rien au mond’ perturbe,
On règne à notre tour en haut du Mont-Perdu !
Et d’ici je vois tout, comme dans un grand livre…
Tout ce que j’ai vécu… Tout ce que je vais vivre !
C’est un tourbillon de visions… Rosa, c’est plastiqu’ment très beau…
J’ me vois sillonner les nations… Traverser l’Arctique en traîneau…
C’est moi, sous l’auror’ boréale! On entend mes chiens qui japp’, non ?
C’est moi dans New-York… Montréal… Sous les cerisiers du Japon !
C’est moi quand j’aid’ les opprimés, de ma cité à Calcutta,
J’ veux plus voir un seul môm’ trimer, j’ veux qu’on puiss’ leur dir’ : quel cul, t’as !
Pour ça, faut du pèze ? Ok : y a ! Avec c’ qu’on a volé, c’ tas d’ fric,
J’ f’rai pousser des puits au Kenya ! J’arros’rai les gosiers d’Afrique !
Ça fait mill’ chos’ à faire en fait… Mais j’ai du cran, faut qu’ j’essaie… J’ dois !
Ouais, j’ai mill’ chos’ à faire en tête… Mais mon plus grand projet, c’est toi !
Vivre la vie des amoureux ! Vivre avec toi ! Vivre à outrance !
Là, sur ce vélo, c’est nous deux roulant dans la campagne en France…
Là, couchés pépèr’, tu m’ souris sous le soleil, dans l’herbe grasse,
J’accroche une pair’ de ceris’ à ton oreille, et l’on s’embrasse…
Rosa, j’ vois nos enfants courir ! Et derrière eux, notre maison !
Pleine d’amis, de chants, de rir’… Ell’ trône au milieu des saisons…
Et Rosa, les saisons défil’ : été, automne, hiver, printemps…
Nos goss’ ont fait leurs vies en vill’… Nous on vieillit, mais on prend l’ temps !
On se moqu’ de nos blanches mèch’… On s’aime, et s’aimer c’est paisible…
Si le bonheur app’lait nos flèch’, alors on a touché la cible…
Maintenant je vois plus qu’un ciel… un ciel immense…
Et ton visage… en transparence…
Ô… c’est beau… ça…
Ro… sa…
NOT DEAD
Auteur : Jérémie Bossone
C’est simple : y a mon rêve et des obstacles
Donc j’ travaill’ sans trêve, et des sots m’ taclent
C’est ça la vie d’artiste, ouais, comme un’ grosse débâcle
Tu voyais ça moins triste ? Welcome au spectacle !
Faut s’ faire sa place et quitter la lose
Mais y a ces nases qui te jalousent
Y a les dieux de la chance : s’ils t’aim’, coup d’ bol !
Y a ces chanteurs à chier que l’ systèm’ couronne
Y a ces chanteurs qui sont nos modèles
Mais on les copie trop pour que s’ouvrent nos ailes…
Y a ceux qui sont là depuis trente pig’ et qui dis’ quoi ?
Qui dis’ rien, mais qui squattent…
Y a le mépris des gens nés au bon endroit
Et l’ gris des journées au Pôle Emploi
Et l’ jour y a moi qui décharge des camions
Pis moi la nuit qui noircis des page’ à coups de crayons…
Et y a le temps qui pass’, les amis qui s’ lassent
La copine qui se casse, on boit la tasse, on écope
On écrit… Les chansons s’entassent
Mais les financ’ sont bass’ et les factur’ s’amassent
Oui y a tout’ cett’ crass’, les dout’ s’accroissent
Et y a ce gouffre qui s’ouvre sous le rêve, hélas :
Personn’ vient à notre aide
Mais je tiens… I’ m not dead !
Enfin, je tente de dir’ quoi ?
Qu’ ça prend du temps de dev’nir soi…
Refrain
Not dead !… Mêm’ si j’en prends plein la pomme !
Not dead !… Mêm’ si j’ vends qu’un album !
Not dead !… Mêm’ si l’art n’est plus que magouilles !
Not dead !… Mêm’ si tout part en couilles !
Sachez qu’un jour, Crésus et baltringues
Si le talent tue, j’ai ses ball’ et son flingue
Et j’ vous shoote à mon tour : pouh ! Pouh ! Pouh ! Pouh !
Je suis not dead, pas mort ! Not dead, pas mort !
Tout un tas de chanteurs, dans ce siècle à dollars,
Salop’ au jour le jour le beau ciel de l’art
Dans cet azur tâché
Tel Saint-Just je me sens de quoi surnager
Esthétiqu’ment, la concu,
J’ l’ai niquée : pan, dans ton cul !
J’ les dépasse de six crans, mais j’ te l’ dis :
Moi j’ suis pas si grand, c’est eux qui sont petits !
Pas si grand ? Hum… Pas sûr… J’ai
Ecrit des chansons qu’assur’, mais
Inconnues ! Ça f’ra des ravis :
J’ai réussi mon œuvre mais j’ai raté ma vie !
No stress : c’est que not’ presse
Qui nous oppress’ par son absence…
Merci la presse ! On veut de l’art, mais on te dit c’ qu’
Est bon dans les médias, dans les maisons de disques
Y a des patrons, et l’ succès meurt vite…
A moins d’êt’ partants pour sucer leurs bites…
Mais qui s’y plie n’a plus d’existenc’ qu’animale
L’humain se fait bouffer par un pognon cannibale
Tu te vois chanteur et plus grand qu’Hannibal
Mais tu n’es plus qu’un petit pion dans le plan du Capital !
La Financ’ veut not’ tête
Résistanc’ ! I’m not dead !
Enfin, je tente de dir’ quoi ?
Qu’ ça prend du temps de dev’nir soi…
Refrain
Ils parlent de cultur’, mais là-haut, ça s’ fout des rimes !
La poésie, c’est l’ chiffre. Et l’art ? Oh : fast-foods et streams !
Ils parl’ d’écologie, c’est nouveau… Genr’ : j’ vais t’ briefer !
Ils nous font la morale et repart’ en jets privés
Ils parl’ de vérité ? On la voit pas : tout c’la ça s’ range…
Mais l’ prix d’ la vérité, demand’ le à Julian Assange !
Ils parl’ de crise économique, et cett’ pagaill’-là fait peur
Au peuple, on prend son fric : ici, pas d’ Panama Papers…
Ils parlent de justice et de paix, mais qui fait tout vriller
En choyant ses armées, plus que ses profs, ses ouvriers ?
Ils écrasent le monde avec outranc’ ces « gentils boss »
Leurs trônes bien calés dans la souffranc’ des gens qui bossent
Et moi je chante… Moi, je suis…
Refrain
Not dead !… Mais je pens’ qu’à ma pomme !
Not dead !… Moi je vends des albums
Not dead !… Mais des gens immondes magouillent
Not dead !… Mais ce mond’ part en couilles !
C’est ça, nos jours : un bal de dingues !
On danse sur le monde, on le foule, on le flingue
On oublie l’ compte à r’bours : tic tac tic tac…
On est not dead ! Pas morts ! Not dead ! Pas morts !
Pas encore…
LE CERCLE
Auteur : Jérémie Bossone
— Pas moi, disait le Déserteur,
Ni combattant, ni délateur,
Je refus’ de verser le sang,
Je fuis pour rester innocent.
Peut-on s’en aller tuer les hommes
Comme on s’en va cueillir des pommes ?
Moi, j’avoue : j’ai pas réussi.
Gardez vos chars et vos fusils,
Je pars, et si ça n’est pas beau,
Au moins ne suis-j’ pas collabo !
Je fuis l’œil pervers des patries,
Je fuis la hain’ et les bouch’ries…
Qui me blâm’ra de fuir autant ?
— Moi, dit le Résistant.
Refrain
Sait-on jamais vraiment pourquoi
En temps de guerr’, qui devient quoi ?
Et le Résistant poursuivait :
— Comment peux-tu dir’ « je m’en vais »
Quand meur’ nos femm’ et nos enfants,
Quand une épée noir’ les pourfend ?
Quand nos homm’ tomb’ à tour de rôle,
Moi, je ne hauss’ pas les épaules !
Si mon pays se rend, je peste !
Si l’ennemi le prend, je reste !
Je ne tue pas pour les médailles,
Ni par pur amour des batailles,
Mais j’os’ le dire avec fierté :
Je tue pour notre liberté !
Qui blâm’ra ce noble dessein ?
— Moi, murmura le Saint.
Refrain
Et le Saint était un fantôme,
La Mort le tenait dans sa paume
La Guerre avait détruit son corps
Mais son âme brillait encore.
Il dit : — Quand le conflit se noue,
Quand il met les homm’ à genoux,
Moi, je m’assois parmi mes frères,
Et leur souris dans cet enfer.
A l’ennemi qui nous foudroie
J’oppos’ mon amour et ma foi.
Et s’il faut tuer pour s’en sortir,
Je préfèr’ m’éteindre en martyr.
Qui blâm’ra mon amour des êtres ?
— Moi, s’écria le Traître.
Refrain
Et le Traître ajouta : — C’est mal !
Notre existence est capitale !
C’est mal de sauver cell’ d’un autre
S’il faut lui sacrifier la nôtre.
La grande affaire est de survivre !
Tant pis pour les gens que je livre !
Tant pis si leurs spectres vengeurs
Me font la nuit verser des pleurs !…
J’aime trop vivre ! Est-ce un’ lâch’té ?
Je veux la vie, quitte à l’ach’ter !
Car ell’ s’achète… Et l’âm’ se vend,
Si trahir, c’est rester vivant !
Qui blâmera ce cri du cœur ?
— Moi, dit le Déserteur.
Refrain
Et le Déserteur reprenait…
Et le dialogue ainsi tournait,
Car ces homm’ à l’heur’ des aveux
Formaient un cercle autour du feu.
Et moi, tapi dans la pénombre,
J’écoutais parler ces quatre ombres,
Le cœur secoué de convulsions,
Mais l’esprit plein d’un’ seul’ question :
Sait-on jamais vraiment pourquoi
En temps de guerr’, qui devient quoi ?
Quand sur la Terr’ la Nuit chevauche
Quand la paix flanch’, quand la Mort fauche
Puisque nous n’avons pas le choix
Qu’à chaque être un’ bassesse échoit
Que nul ne reste blanc comm’ neige :
En temps de guerr’, qui deviendrais-je ?
MATCH
Auteur : Jérémie Bossone
T’étonn’ pas trop si cett’ zic même
Trotte au tempo d’ cell’ d’Eminem
C’est la pulsion de ces typ’ qu’aiment
La compétition… T’as saisi l’ thème ?
Ecoute écoute un peu la salle
Y a du public et c’est normal
Ça y est nous v’là, ça va fair’ mal
On est fin prêts pour la finale !
Soudés comm’ des guerriers romains
On a la balle, y z’ont l’ terrain
C’est maintenant, c’est pas demain
On a bossé pour ça, putain !
Chacun son camp, dernier chapitre
On attend l’ coup d’ sifflet d’ l’arbitre
On n’est pas là pour fair’ les pitres
On est venus décrocher l’ titre !
Refrain
Tous alliés, pour gagner
Tous en groupe, unis pour remporter la coupe
Tous en choeur, tous vainqueurs
C’est l’histoire d’une épopée vers la victoire
Hop, le coup d’envoi, c’est parti !
Hors de question d’ perd’ cett’ partie !
On va plier ces joueurs, pardi !
Tous les croquer comm’ des smarties !
Ça court partout, baskets aux pieds
Ces cracks, c’est nous : brav’ équipiers
Visag’ en sueur, maillots mouillés
Ce match on va le verrouiller
Premièr’ mi-temps : malgré l’effort
C’est l’adversair’ qui mène au score
Mais on connait les lois du sport
On sait qu’on peut marquer encore !
Retour sur le terrain, terribles :
On contre-attaque, des feint’, des dribbles
Ça va très vite, on vis’ la cible
On voit les buts, oui c’est possible…
Le chrono tourne, on s ‘ fait des passes
Nos pieds sont lourds et nos jamb’ lasses
On veut toujours la premièr’ place
Sur le trophée : graver nos blazes !
Y sont balèz’ bordel ces types
Y z’ont pas le ballon sceptique
Mais y aura qu’un vainqueur, c’est qui ?
Putain, c’est nous : meilleure équipe !
Refrain
Certains comprennent peu, certains comprennent mal
Tant d’amour pour un jeu, de passion pour un’ balle
Ceux-là croient qu’ un’ partie, c’est du temps que l’on gâche…
Nous on vit toute un’ vie dans un match…
WATERLOO DANS UN VESTIAIRE
Auteur : Jérémie Bossone
Dans le vestiaire assis
Rabaissés, radoucis
On n’a plus trop la tchatche
Tous en sueur, silencieux
Fixant le sol des yeux
On a perdu le match
Pour vous, nous savons bien
Que tout cela n’est rien
Pour nous, c’est capital
Nous traversons le pire
Car c’est perdre un empire
Que perdre la finale
Refrain
Pour nous le cœur ce soir est gros
Pour nous cette heure, c’est Waterloo
Ce que livre une équipe
Ce sont des duels épiques
Vous n’aimez pas ? Dommage
C’est puissant comme Homère
Et joli comme vos guerres
Dans les livres d’images
Car vos guerr’, ell’ sont gores
Les nôtres sont plus sport
Bien qu’on se fass’ gifler
Quand nos concurrents mènent
Et que l’arbitre assène
Le dernier coup d’ sifflet
Refrain
Vos ball’ à vous, ell’ butent
La nôtre vis’ les buts
C’est un jeu moins sévère
Ce ballon qu’on se passe
Et l’émotion qu’il brasse
C’est tout un univers
Un match, ça se peaufine
Comme un vers de Racine
Comme un diamant qu’on taille
Nos victoir’, on les fête
Mais on pleur’ nos défaites
Sur un champ de bataille
Refrain
Mais voilà tout à coup
Qu’apparaît sur la joue
D’un des joueurs une larme
Elle scintille et descend
Ça n’a rien d’indécent
Ça donne au joueur du charme
Voilà qu’ell’ se propage
Allumant les visages
Est-il plus beaux galons
Quand là dans un vestiaire
Une armée tout entière
Pleure autour d’un ballon ?
Refrain
TIGRE
Auteur : Jérémie Bossone
Aujourd’hui des monsieurs sont viendus à la maison
y z’ ont dit : ordre du ministre Tarkane !
Alors mon Papa y m’a donné son tigre en peluche
Celui de quand il était petit garçon
Et il a dit : Quoi qu’ils nous fassent, mon fils,
Il faut aimer les hommes. J’ai dit oui
Et les monsieurs y z’ ont emmené mon Papa
Et ma Maman et moi on a pleuré.
Tigre et moi on est toujours ensemble !
Et c’ qu’on préfère le plus que tout, c’est les vacances !
Même qu’on peut jouer dehors toute la journée !
On fait des cache-cache, des cascades, des cabanes, tout ça…
Des fois aussi, y a mon copain Baakir qui joue avec nous.
Il est cool Baakir ! On ramasse les chewim-gums
Qui sont collés sur le trottoir
Et on les mange… C’est vach’ment bon !
Mais aussi Baakir, faut qu’y s’occupe de ses p’tits frères
Alors Tigre et moi on se promène…
On parle du ministre Tarkane,
Et comme il est méchant, avec Tigre on grogne : gggrrr !
A l’heure du goûter, on rentre à la maison,
Ma Maman elle nous fait des tartines de confiture
Et on les mange en regardant les dessins animés…
C’est cool les vacances !
Mais aussi, y a l’école… Et aujourd’hui à la récré
Les autres enfants y z’ ont dit que Tigre il est moche
A cause de son oreille déchirée…
Alors on s’est battus dans la cour,
Et après, le directeur dans son bureau
Il a dit : c’est mal, mon garçon !
Tu me copieras cent fois : je ne dois pas frapper
Mes camarades. Alors je copie cent fois…
Heureusement y a Tigre y me fait un câlin
Et y dit : y faut aimer les hommes !
Refrain
N’oublie jamais ça, mon fils :
Même s’ils déraisonnent,
Même s’ils cèd’ à leurs vices,
Il faut aimer les hommes !
Tu peux blâmer leur justice,
Leur Kyrie Eleison,
Mais n’oublie jamais, mon fils
Qu’il faut aimer les hommes !
Et les années pass’, et la vie c’est pas qu’un film en couleur
Tarkane est dev’nu président, mais y sait quoi c’ typ’ de nos douleurs ?
Il nous a promis travail, bonheur, santé, mais j’ rage :
Ma mère est tombée malade en faisant des ménages !
La vie, c’est un’ lot’rie, mais si t’as pas l’ putain d’ ticket
T’en chies quand les autr’ rient, c’est pir’ qu’ les pag’ d’un bouquin d’ Dickens.
C’est fou comme au début, sourir’ paraissait tout indiqué…
Pis les jours s’ mett’ à courir, tout est soudain niqué!
Tarkan’ dit : le travail est le berceau des grand’ vies saines !
Ma mère est morte au taf à coups de balais et d’emphysème !
Depuis j’ vis chez Tonton et Tata, qu’ont pas qu’ des envies zen :
Ell’ picole, y m’ cogne. Et y a des gens qui s’aiment ? Ah !
Au lycée, j’ai pas la cot’, j’écop’ des colles
J’aim’ pas l’écol’, les copies, écoliers et profs… J’ rigol’ pas !
J’ m’agrippe à ma table et chaqu’ fois qu’ j’en ai trop marre,
J’ caress’ Tigre dans mon cartable, et j’ fuck tous ces connards !
Heureus’ment y a Baakir, le seul pot’ que j’ai.
Dans les cafés, y m’ caus’ politique. Il a des projets !
J’ lui dis : poto, j’ pig’ pas tout quand tu m’ parl’ de tes plans…
Il sourit, pis ajoute : bien sûr, parc’ que t’es blanc !
Baakir, j’aime ses airs, mêm’ si j’ sais pas encore
Ce que c’est que son Aimé Césaire ou Sedar Senghor…
Ensemble, on s’éclate et j’ me dis que la vie n’est pas si complexe,
Et pis v’là qu’un jour on croise un type qui tape son clebs…
Et je me rue sur ce mec, qui tabass’ le clebs avec
Une canne en or (sans dec!…), j’ le pousse et ce con va s’ex-
-ploser sur le sol et dès qu’il se relève, aussi sec,
Il brandit sa canne et m’ décoche une pluie de coups, j’ m’éc-
-roule, alors d’un coup, Baakir accourt
A mon s’cours, l’autre crie comme un sourd : Je suis l’ député De Flore ! J’ai
Stoppé la pègre, j’vais pas m’ gratter pour un nègre !
Sa canne cogne et recogne, et tout à coup crac le crâne de Baakir éclate !
Refrain
De Flore était bien député, qui plus est des plus réputés
Donc en cett’ qualité, ce con a été acquitté.
C’est fou ce qu’on a comme idée chez tous ces pont’ en comité…
C’est bon ça : l’immunité ! Un bond pour l’humanité !
Mais Baakir est mort ! On a mis mon ami
Under the floor… Et De Flore est dehors… Yes
Les vrais coupables, disons qu’ils s’en tir’ quand nous nous brisons :
Baakir est mort, et j’ai pris six ans de prison !
Derrièr’ mes barreaux, j’ regard’ tomber la neige en hiver
L’été j’ mate les oiseaux. On est là des gens divers :
Y a des prisonniers psychotiqu’, y a des sadiqu’ et des sal’ cons,
Pis moi en pilote automatique entre ces typ’ et les matons…
Mais la nuit, quand tous ces gars s’endorment,
Dans mon lit, je lis Nietzsche et Sedar Senghor.
J’ pense à Baakir qu’ avait raison… Cett’ pensée-là m’ rend fort,
Et je fleuris dans ma prison. Le Temps passe… Et v’là qu’ j’ en sors !
Me rev’là dans la vie, mais je prends vite un’ claque :
Quand je cherche un taf, on m’ dit : tu prends tes cliqu’ et tes claques !
Quand je cherche un’ meuf on me gifle flic flac
Et les heur’ fil’ et ça fait tic tac, faut pas t’étonner si j’ craque…
Fuck ! Y m’ faut du fric dans c’ foutu micmac…
Mec, j’ suis ric-rac, j’ pourrais braquer pour un Big-Mac…
J’ suis à deux doigts d’ m’offrir une banque cric crac
A deux doigts de devenir un type antipathique … Et pis v’là qu’
Un jour, je rencontre un group’ de résis-
-tance, et mon existence acquiert un peu d’ consis-
-tance… Yes, Baakir s’rait fier aussi j’ pense :
On se dresse, on manifeste, on avance !
J’ai même chopé un’ petit’ gloire : les flics ont
Ma photo dans leurs tiroirs, et pour la peluch’ que je
Porte dans mon dos (non mais t’y crois ? ) :
Ils m’ont surnommé Tigre, ouaw !
Aujourd’hui, De Flore est nommé ministre. C’est un outrage !
Notre groupe est dans la rue qui proteste avec courage.
On brandit des photos d’ Baakir en criant : hourra ! Je
Marche en tête du cortèg’, le visage en pleurs, et fou d’ rage…
Le crime, on le couronne ! C’est honteux, c’est sinistre !
Tu but ‘un honnête homme, et on te fait ministre !
Rien n’a vraiment changé Papa, depuis Hattie Carroll…
Mais c’ connard ne l’emport’ra pas au Paradis, parole !
Ah si, un petit truc a changé, en pire :
On vit p’us en républiqu’, maint’nant c’est un empire !
Devenu dictateur pour parer toute invasion,
Tarkan’ se fait appeler le Padre de la Nation.
Mais c’est un père à la Saturne : il dévor’ ses petits,
Déploie sa police avec force appétit,
Kalashs et CRS nous encerclent, ça s’est corsé, pardi…
Un cri, un coup d’ feu, et tout débord’, c’est parti !
Ils attaqu’ et nous plaqu’ au sol, nous traqu’ et matraquent
Les potos Blacks, et j’ peux pas crier, j’ peux pas les aider parce que
J’ revois Baakir là par terre… Ça m’ paralys’, putain,
Depuis De Flor’, j’ai peur de la baston et des matraques !…
Mais soudain v’là qu’un flic m’arrach’ mon tigre en peluche
Et là, j’ai ce déclic, et je pète un plomb
Je vois plus, j’entends plus, je sais plus qui je suis
Mais je s’rai plus jamais lâche… Un fauv’ se lâche !
J’ bondis sur le flic et piqu’ sa matraque. En un instant,
J’ cogne et recogne, et sa gueul’ se change en un bain d’ sang…
Et je tape, et je tape, et je tape, et je peux pas stopper
Mon bras, et tout n’est plus qu’une bouillie noire où je vois
Nos visag’, nos martyrs, Baakir, ma mèr’, je vois
Tigre, et mon père, et dans le sang j’entends la voix :
Il faut aimer les hommes… Ô Papa, j’entends ces parol’ en or
Mais la matraque monte et redescend, encore, et encore, et encore !…
Refrain
LES AMANTS DU KIOSQUE
Auteur : Jérémie Bossone
Tous les deux on vit là
Au coeur de ce village
On y a grandi peinards
Entre l’église et l’ bar
Ça nous plaît, surtout lorsque
On vient jouer sous le kiosque
Et ça dans’, jeun’ et vieux,
Les dimanch’ sont joyeux
Guitare, accordéon
Peinards, d’accord, mais bon :
Y a d’aut’ chos’ à goûter
Et chacun d’ son côté…
Refrain
Quoi qu’on nous vende
C’est pas qu’ j’ai l’ choix :
Si l’on m’ demande,
C’est toi qu’ j’aim’, j’ crois…
Mais pour mett’ ça au clair
Je f’rai l’ tour de la Terre
L’amour vrai, j’ veux voir si
J’ le trouv’rai loin d’ici
J’ trac’ la rout’, c’est magique !
J’ travers’ tout’ l’ Amérique
J’ vois des bruns, j’ vois des blonds
J’ côtoie plein d’Apollon
Et l’amour tend sa toile
Mais partout j’ pense à toi…
Passent les paysages,
Les années, les visages…
C’est fou ce qu’il faut mettre
De jours, de kilomètres
Quand on cherche en sa ronde
L’amour autour du monde
Refrain
Quoi qu’on nous vende
C’est pas qu’ j’ai l’ choix :
Si l’on m’ demande,
C’est toi qu’ j’aim’, j’ crois…
Mais pour mett’ ça au clair
Je fais l’ tour de la Terre
L’amour vrai, j’ voudrais l’ voir
J’ le trouv’rai quelque part
Du village à la Chine
Je voyage… Imagine :
Des rob’ en ribambelles
Je flirte avec cent belles
Et l’amour tend sa toile
Mais partout j’ pense à toi…
Passent les paysages,
Les années, les visages…
C’est fou ce qu’il faut mettre
De jours, de kilomètres
Quand on cherche en sa ronde
L’amour autour du monde
Refrain
Je fais l’ tour de la Terre…
Je fais l’ tour de la Terre…
J’ai marché nuit et jour
J’ai cherché l’ grand amour
J’ai pris l’ temps, j’ai pris d’ l’âge
Et je rentre au village…
J’ai pris l’ temps, j’ai pris d’ l’âge
Et je rentre au village
Je me balade et glisse
Du vieux bar à l’église
Et qui est-c’ que j’ vois lorsque
J’arriv’ près du kiosque ?…
Te voilà ! T’es rev’nu !
On est là, on a vu
Tant de gens sur la Terre
Olala l’inventaire !
On dirait du Prévert
Mais maint’nant :
Je sais qui je préfère…
Refrain
Quoi qu’on nous vende
Là, sous l’azur :
Si l’on m’ demande,
C’est toi qu’ j’aim’, sûr !
Et pour mett’ ça au clair
J’ai fait l’ tour de la Terre
J’ suis rev’nu-e, toi aussi :
L’amour, c’est nous, ici
MONUMENTAL
Auteur : Jérémie Bossone
Retour au grenier d’où jadis il fut assez beau d’ croire
Que j’allais tout niquer, désormais putain c’est trop noir
Veni vidi mais pas vici, résultat : zéro gloire
Je reviens pour mourir ici, toi tu brass’ tes dollars
La tune et le succès, je suis passé sous leurs sonars
Mais tu ne m’as pas tout pris tu sais, j’ possèd’ l’or des zonards
Clochard dans la vie, je meurs tel un emp’reur dans mes beaux arts
Fous-moi dans la fosse et demain tu m’appell’ras Mozart
J’ai bâti toute une œuvre et tu t’es gardé mes oscars
Je sais bien que t’aim’ pas qu’on vienn’ t’en parler, mais j’os’, car
Mon art est vivant, c’est pas du rococo, genr’ Fragonard
Et je vis, donc quand tu m’ frapp’, aussitôt je r’frapp’, connard !
J’ suis un roi en exil, mais légitime, un Aragorn, la
Route est à moi, t’as piqué l’ royaum’, mais j’ai le trôn’, là (il désigne son cœur)
C’est fou comme on d’vient bon quand on tient bon, j’aime trop l’art
Un pied dans la tomb’, je brille à mort ! Il est jamais trop tard…
Ouh, si tu savais c’ que ça fait d’ s’effacer quand tu sais
Que tu dépass’ à fond ceux qui t’ont vu passer…
Mais non : toi tu préfèr’ croire à ta supériorité
En entassant les géants sous ta super médiocrité
Parce qu’aujourd’hui je l’ sais, j’ t’assur’, j’en fais les frais
Que souvent, les vrais, les grands, tu les écras’ quand ils t’effraient
Combien de génies dont jamais personn’ n’entendra parler ?
Dans ton Histoire officiell’, combien t’en as barré ?
A défaut de pouvoir se faire entendre de ce monde
La vérité impactera le silenc’ quelques secondes
Elle y laiss’ra un’ trace, un trou dans l’ombre, un écho,
Une morsur’ de loup blessé, l’étoil’ d’un ego
Retour au grenier dans le noir et la mémoir’ d’un rêv’ qui n’est pas mort,
Qui peut taper très fort encore, sur l’ bord du néant j’ lance
Un feu d’artifice, que tous mes vœux pour l’art s’y glissent, Putain
J’ suis paré pour le bouquet final, pour un son monumental !
Refrain
Tu pensais nous avoir fait la peau ? Tu pens’ mal !
Toujours debout dans l’ombre, au flambeau du mental
J’ donne un dernier coup, c’est pas un’ menue mandale
C’est un uppercut, un’ chanson monumentale !
C’est un’ rafal’ dans ta tête, fils de pute, on est là
Pour te fair’ ta fête, que quelques minut’, hélas…
Mais ce son n’est pas une menue mandale
C’est le sursaut des oubliés, c’est Monumental !
« Chut ! Moins fort, on pourrait t’entendre… » Hein ? T’es qui, toi ?
« Ta concience » Hein ? « Tu peux pas parler comm’ ça ici… » Quoi ?
« Tu as tort… » Cass’ toi ! J’ parle au mond’ ! « Chut… » Cass’ toi !
« Allons… » Quoi ? « Chut… » Merde, c’est ma têt’ ! J’ suis chez moi !
Le monde est petit, moi j’ai bâti grand ! « Chut ! Dis pas ça… »
Avant d’ le dir’, j’ l’ai fait ! Mais quoi, tu veux m’ôter l’estime ?
Me bâillonner ? Me cadenasser dans la modestie ?
Tu veux qu’on m’ force à respecter ce monde en mode assis ?
Putain, j’ai fait des chos’, moi… Pfff, modestie…
J’ peux pas tair’ la vérité sous couvert de modestie
« Ne dis pas ça… » Faut pourtant bien qu’ la vérité parle aussi
Et qui lui donn’ra la parol’ si moi j’ le fais pas ici ? « Chut… »
J’ai fait un’ révolution de haut’ volée « Ah ah… »
Pondu six cents chansons de tout’ beauté « Pfff… »
C’est monumental, sans déconner ! Mais faudrait gober sans douter
Qu’ tout ça n’existe pas car le mond’ l’ a pas écouté ? « Ah ah ah… »
Check’ mes musiqu’ et mes thématiques, décortique mes chansons,
L’écritur’, la métrique, la narration,
Les rythm’ et les mélodies, les rim’ et les harmonies
J’ai fait mijoter l’alchimie du sens et du son, ouh !
Toutes ces nuits passées plume à la main pour peaufiner
Trois mots, un vers, un’ strophe à faire, elle est moch’ ? A r’faire !
Oui, j’ai trimé ! Avec le papier, j’ai copiné
Gratté des pag’ quand tout’ ta jet set allait tapiner !
Et j’ai grandi… Oui, c’est de l’ego trip, mais c’est pas un truc de vantard
Je gifle la modestie, mais je m’agenouill’ devant l’art
Ton monde fait l’inverse ? Ok, chacun son étendard
Moi j’ai de l’ego pour le rendez-vous du beau, mais là, le monde est en r’tard…
Quand tu crées, ton art, c’est toi, tes crocs, tes rages
C’est concret. Si tu n’as pas d’ego, dégage !
Et qui nous crée du beau n’est jamais juste une ombre
D’ailleurs on dit ego, mais dans ma tête je suis nombreux…
Donc, appell’ nous leChateaubriand du rap, c’est mérité !
Appell’ nous le Brassens de l’aventur’, c’est mérité !
Appell’ nous le Conrad de la chanson, c’est mérité !
Mais putain qu’on appelle enfin par son nom la vérité !
Donc, appell’ nous Kapuche, ou Bossone, ou Puzzle
On est plusieurs, on bûch’, car le beau sonne pas seul
Pour niquer les embûch’, on est beaucoup de personnes
On charbonne, on épluche, on bosse, on persévère !
Et puis y a tous les autres, nos légions souveraines
Ces frelons qui ont fait ou feront nos révolutions souterraines
Tu les étouff’ et tu les fauch’ : il faut s’étaler sous tes rêves
Ton art est faux, tes feux sont faux, mais t’as les sous, tu règnes !
Parlons vrai, pour une fois ! Par l’ombre et par ma voix :
Du fond de la nuit on te pointe du doigt, que tu le veuill’ ou pas : nous écouter, tu dois !
Car t’as beau nous massacrer, pour mourir je prends mon temps, comm’ tu l’ vois
J’ rendrai pas mon dernier soupir avant l’ couplet trois !
Refrain
Funèbr’ et furieux, funèbr’ et furieux
D’avoir dû nous éteindre avec nos œuvr’ et leurs mots radieux
Funèbr’ et furieux, mais : funèbr’ et glorieux !
Ces ténèbres si laid’ où s’éteint le crayon
Il me reste un couplet pour y mett’ un rayon
Du fond de la nuit j’ouvre un’ brèche et pose un monument
C’est pas que pour moi, c’est pour tous les grands oubliés des siècles qui ont bossé dur’ment !
Mes copains et moi, ce tombeau nous l’avons mérité dûment
On y mettra nos victoir’, nos rêv’ et nos instruments
Retour au grenier d’hier où jadis, les fils de putes
N’avaient pas d’emprises sur nos entrepris’, nos buts…
Retour au héros d’ hier traînant dans la poussière
Que mon monument sans pierr’ verse un peu sur lui sa lumière
Funèbr’ et furieux, funèbr’ et furieux :
Joli costum’, posthum’… Dans les ténèbr’ on a jamais vu mieux !
Funèbr’ et furieux, funèbr’ et furieux
Mais : de pas perdre quand tu gagn’, déjà y a du mieux !
Je lâche une chanson, je nous élève un monument !
« Non, tu peux pas fair’ ça… » Ah ! J’ vais m’ gêner null’ment !
J’ me sens pas désolé d’ bâtir un mausolée pour tout ce beau
Qu’on nous a volé, sans déconner… « Oh ! » Salop’, silence ! Ecout’ ça :
C’est un chant sculpté dans l’oubli, tous ses cris sont beaux, et j’y tiens !
C’est un crachat des nuits brillant comme un tombeau égyptien
C’est un pavé balancé, un’ sépultur’ qui s’élèv’ dans l’ vent
Un tombeau d’emp’reurs anonym’ où fleuriss’ les rêv’ d’enfants
C’est un chant de justice en nécropol’ déguisé, qui taffe…
Sur c’ couplet comm’ sur un’ stèle, et pour conclure, en guis’ d’épitaphe
Pour résumer ce drame et ma prose, j’ grave un’ larme, un’ rose
Et pour toi qui nous tues, vandale : un doigt monumental !
Refrain
CHEROKEE ROSE
Auteur : Jérémie Bossone
Homm’ de pouvoir qui a vaincu
Grand homm’ ? Faut voir… Grand cœur ? Mon cul !
Nul cœur ne brill’ par la violence…
Roi dont le règne s’est écrit
A coups de feu et de mépris
Toi le héros qui vire au rance…
A ta conn’rie je dois un’ chose
C’est ma chanson : Cherokee rose
Paraît qu’ tu bris’ jamais rien ? Tiens :
Parlons de ces amérindiens
Qu’ t’as balayés, pir’ qu’un mistral…
Combien tombèr’ sous tes gendarmes ?
En suivant la Piste des larmes
Si loin de leur terre ancestrale…
Mais ces larm’ ont semé un’ chose,
Une fleur : la Cherokee rose
Parlons un peu de cette fleur
Qui s’est él’vée sur la douleur :
Plus haut’ que toi de plusieurs tailles,
Plus touchant’ que Rox & Rouky,
C’est la tout’ blanch’ ros’ cherokee
Et le revers de ta médaille…
C’est sur tes noir’s apothéoses
Que fleurit la Cherokee rose
Et dans la nuit de ta conscience
Comme Caïn (dont c’est la science)
Tu sens la fleur et vois les morts…
La fleur et ses fantôm’ qui dansent
Tu voudrais mourir vit’… Tu penses !
On meurt lent’ment de ses remords…
Tyran, crains plus qu’une overdose
Le parfum d’un’ Cherokee rose
J’ te laiss’, mais avant de partir
Je voudrais dire à tes martyrs,
A vous, victim’ de ces carnages
Passés, présents et à venir,
Qu’ell’ fleurit comme un témoignage,
Comme un blason du souvenir,
Sur les terr’ que vos larm’ arrosent,
Votre éternell’ Cherokee rose